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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 14:24

Peu de temps avant que l'adoption d'Angelina devienne définitive, Garrett, son père biologique, qui n'avait pas renoncé à ses droits, demande à reprendre l'enfant à Jack et Melissa. Il est fort de l'appui de son père, un juge fédéral, respecté et influent. Or Garrett est un malade, qui traîne avec les pires gangsters de Denver. Dans trois semaines, la fillette devra lui être rendue (traduction d'Aline Weill).

Abandonnant, pour un temps, Joe Pickett et les montagnes giboyeuses du Wyoming qui firent sa réputation, C.J. Box nous offre, avec Trois semaines pour un adieu, un roman profondément manichéen, sans aucune nuance, sans aucune subtilité, dont le but est de nous vendre l'expéditive justice finale comme une chose normale dans un pays civilisé.

D'un côté, les gentils parents et leur mignonne petite fille accompagnés de leurs amis fidèles qui vont tout faire pour empêcher l'inéluctable. Blancs, honnêtes, polis, travailleurs, ruraux, ils sont ces Amerlocains de base qui estiment que la Loi ne les défend pas ou plus, les véritables laissés pour compte face à ces hordes de métèques à qui l'on offre tout (dixit l'oncle Jeter), ces propriétaires ou ces patrons absents ou incompétents pour lesquels ils sont obligés de trimer dur (dixit le père de Jack), ces prédateurs sexuels que l'on relâche dans la nature (dixit la vox populi).

De l'autre côté, on trouve l'alliance entre un serial-killer pédophile, un réseau international du même métal, un adolescent psychopathe trainant avec un gang de Mexicains dealers de drogues, protégés par un juge intouchable qui a tous les politiques et les flics dans sa poche. Tous représentent la corruption et la dérive d'un système qu'il faudrait purger, purifier par le feu et par le sang (car nous sommes en terre blanche et chrétienne).

Ainsi balisé, Trois semaines pour un adieu tire en ligne droite, depuis l'indignation qui va saisir forcément le lecteur devant la détresse de ces parents ordinaires, jusqu'à son acceptation que la “ Justice ” – assimilée ici à une destruction d'animaux nuisibles – ne peut être rendue que par les intéressés, directement, sous le regard complice de la police.

Les coups que se donnent alternativement les deux camps dissimulent assez mal le caractère totalement invraisemblable de la plupart des situations et l'exceptionnelle fadeur des personnages. Qu'importe. Trois semaines pour un adieu, roman à mon sens profondément politique, ravira le nombreux (é)lectorat avide de justice expéditive et de revanche à bon compte. (en librairie le 3 juin 2011)

 

SITE : Le vent sombre

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 14:17

Ce n’est pas une enquête policière linéaire que nous présente l’auteure. Chaque protagoniste suit son propre parcours autour des faits criminels. Le quotidien du policier Kolvair ou du scientifique Salacan n’est pas exclusivement consacré à la recherche du meurtrier. Dans leur sphère, sont cités Edmond Locard (précurseur des méthodes d’investigations efficaces) ou le Pr Alexandre Lacassagne, aliéniste de renom qui étudia la psychologie d’auteurs de crimes.

Ce roman permet de retracer l’histoire de Lyon, de ses quartiers, des traboules et des bouchons, des canuts, de l’industrie du tissage, et de la bourgeoisie des soyeux. En parallèle, on nous parle d’une de ces riches familles au destin perturbé, voire maudit. Les frères Lumière, célébrités lyonnaises, ne sont pas oubliés. Les faits étant proches de la 1ère Guerre mondiale, quelques “gueules cassées” figurent évidemment parmi les personnages. En effet, au sortir du conflit, la page n’est pas encore vraiment tournée. Tout cela contribue à nous offrir un savoureux polar historique à l’intrigue assez épicée, et même très sombre par certains aspects. Ce premier roman d’Odile Bouhier est très convaincant.

 

SITE : Action suspense

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 14:02

Ayant consacré un livre au phare de Cordouan (chez Elitys), Jean-Pierre Alaux connaît bien le “Versailles des mers”. Au fil du récit, il nous offre bon nombre de détails anecdotiques ou historiques, sur ce splendide phare, la côte de Charente et sur l’estuaire girondin. Notons un sympathique clin d’œil à Émile Cousinet, le plus improbable producteur de cinéma de tous les temps. L’auteur restitue aussi l’ambiance de cette année-là, très politique suite au décès présidentiel. De tradition gaulliste, proche de Maurice Druon, Cantarel suit ces question puisqu’il dépend des ministères.

Si ces éléments participent et donnent de l’authenticité au contexte, l’intrigue criminelle n’est pas oubliée. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un roman d’enquête, les héros étant davantage témoins des faits qu’acteurs d’investigations. Par exemple et sans rien dévoiler, le vol de l’ex-voto donne du sens au décès du jeune Quéméret. À divers degrés, le climat est mystérieux autant concernant le meurtre de la jeune Suzanne qu’au sujet de la maison de la tante Léonie. Une affaire très agréable à suivre.

 

SITE : Action suspense

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 13:50

Port Leo, petit ville du Texas, n'a jamais été aussi animée: alors que la campagne pour l'élection du juge de paix bat son plein, Whit Mosley, l'actuel juge, apprend qu'une de ses vieilles connaissances est retrouvée morte. Suicide ou meurtre? La question est délicate, surtout que la victime n'est autre que Pete Hubble, fils du sénateur Lucinda Hubble, mais également star du porno et ex-mari de sa maîtresse actuelle ... Et comme cette situation n'est déjà pas des plus simples, si l'on rajoute à cette famille quelques drames et un fils disparu des années auparavant, Pete aurait effectivement eu quelques raisons de se supprimer. C'est ce que va devoir découvrir Whit Mosley, avec l'aide de l'inspectrice Claudia Salazar, une enquête qui pourrait bien coûter sa place de Juge. Claudia Salazar aura elle aussi fort à faire, en parallèle de ses recherches sur les causes du décès de Pete Hubble, elle devra mener des investigations sur des enlèvements de jeunes filles dans d'autres états que tout ramène à Port Leo

Vous l'aurez compris, le lecteur n'a pas une seule minute de repos dans ce livre. Jeff Abbott change complètement du style que nous avions pu découvrir avec « Panique » ou « Trauma ». Des couples des couples adultérins aux cadavres dans les placards, Port Leo semble être le repaire de tout un panier de crabes. Tous les personnages ont leurs petits défauts, Whit est un glandeur qui ne doit sa place qu'aux influences de son père, père qui est un ancien alcoolique. Claudia Salazar, fraîchement divorcée, est quelqu'un de très renfermée qui met de la distance entre elle et toute personne qui pourrait lui porter de l'intérêt. La famille Hubble estt encore pire ... Vient se greffer à toute cette galerie un personnage haut en couleur (celle qui j'ai préféré d'ailleurs) Velvet Mojo, compagne de Pete Hubble et réalisatrice de film X, une personnalité bien affirmée et une sacrée grande gueule. Vous pensiez en avoir assez et bien non ! A cela il vous faudra gérer les disparitions et ce mystérieux tueur qui suit pas à pas notre couple d'enquêteurs. J'en aurait presque oublié de vous parler de Jabez Jones, cet ancien catcheur touché par la grâce du Seigneur, enfin une grâce qu'il arrange un peu à sa sauce aussi ... Tous ses personnages vous font peur ? Il ne faut pas, ce livre est un véritable régal avec certes quelques clichés du genre mais des personnages attachants (ce nouveau duo est excellent), situations savoureuses, rebondissements, complots, secrets de famille, tout va très vite, trop vite même, la fin arrive trop vite et à aucun moment on ne s'ennuie. Faux Semblants est le premier livre consacré au duo Whit Mosley et Claudia Salazar.

 

SITE : Plume libre

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 13:40

Il y a tout d'abord un père adoptif qui se soucie d'une fugue uniquement pour mieux épouser celle qui doit rejoindre le bercail, et arrêter ses coucheries à perdition. Et puis un flic qui envoie un détective dans une ville où la police fait la pluie et le mauvais temps. Enfin, une gosse shootée, trouvée nue avec un joli cadavre à ses pieds.
Deux de ces trois nouvelles annoncent Philip Marlowe. La première, Un tueur sous la pluie, écrite sous couvert d'anonymat en janvier 1935, sera diablement cannibalisée par Raymond Chandler pour Le Grand sommeil, quatre ans plus tard. Comment ne pas voir dans Déniche la fille (janvier 1937 sous le pseudonyme de Ted Carmady) une des scènes de ce même roman ? Celle de la rencontre entre Carmen Sternwood et Philip Marlowe dans la demeure d'un gigolo photographe et maître chanteur ?
Au final, seul Bay City Blues (1938) se démarque quelque peu du portrait de Philip Marlowe. Avec un privé mis sur une affaire par un policier aux mains liées dans une ville sous mauvaises influences. Bay City Blues est d'ailleurs non pas tant une nouvelle qu'un roman. 9 chapitres qui, aussi surprenant que cela paraisse, ne sont pas titrés dans la version française proposée par Henri Robillot alors même qu'ils le sont dans la version originale. Une ébauche de "Continental Op" à la Dashiell Hammett, autre figure noire du hard boiled à l'américaine.
Ces nouvelles quoique imparfaites ont l'immense privilège de dévoiler quelques intrigues du grand Raymond Chandler. Parues dans "Black Mask" elles mettent en perspective ses romans, du Grand sommeil à The Long Good-Bye.

 

SITE : K-libre

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 13:03

La découverte de nouveaux manuscrits sur le site de Qumrân, l'analyse d'un mystérieux squelette retrouvé dans un ossuaire sous le Temple de Jérusalem, réactivent une inquiétante organisation qui n'aura de cesse la disparition de tous les protagonistes. Michael Byrnes signe un triller particulièrement efficace.

C'est en 1967, à Brooklyn, que le jeune Aaron Cohen est initié à sa destinée : consacrer sa vie à préserver ce que représente un symbole. Aujourd'hui, au Vatican, le père Martin est enlevé par deux hommes. Sous la menace, il livre les noms de ceux qui peuvent expliquer pourquoi l'ossuaire, rendu aux autorités juives, était vide !
Le père Patrick Donovan s'est réfugié à Belfast où il tient le pub familial après la mort récente de son père. Il déguerpit devant deux "religieux" et retrouve à Phoenix, en Arizona, Charlotte Hennessey, la biologiste qui a travaillé sur les ossements, au Vatican. Le cancer de cette dernière a disparu depuis qu'Evan, son collègue et amant, lui a injecté l'ADN prélevé sur le morceau d'os qu'elle a rapporté en toute discrétion. Traqués par les deux hommes qui ont suivi la piste "électronique" de Donovan, ils fuient laissant derrière eux le cadavre d'Evan.
En Israël, malgré la discrétion dont Amit Mizrachi a entouré sa découverte, celle-ci attise la curiosité. Pour avoir des éclaircissements, il contacte Julie Le Roux, une égyptologue. Alors qu'ils visitent les trouvailles d'Amit, ils sont rejoints par un tueur qui tente de les assassiner et fait exploser les lieux.
Les différents acteurs du drame ne sont pas au bout de leurs peines. De la sueur et du sang les attendent…

L'auteur utilise nombre de références théologiques, scientifiques et historiques. Il joue avec des conjectures biologiques et bouscule certains des dogmes de l'Église catholique. En imaginant retrouver le squelette du Christ, il malmène la doctrine selon laquelle le corps de Jésus a été emporté aux cieux lors de L'Ascension. Il revient sur les Évangiles officiels, sur celui de Marc, le plus ancien. Le manuscrit, qui date des années 1970 de notre ère, se termine bien avant la version qu'on nous fait lire aujourd'hui.

Il appuie son récit sur des données approfondies, des thèses cohérentes compte-tenu des bribes d'informations avérées parvenues jusqu'à nous. Mais, il puise dans la triste réalité lorsqu'il évoque les querelles religieuses et les affrontements sanglants autour du mont du Temple de Jérusalem. Il met en scène les résultantes d'hypothèses étayées, tant sur les ajouts des Évangiles, sur les Esséniens, sur la recherche en biologie et sur l'ADN. Il fait la part belle, cependant, à l'action et malmène singulièrement ses personnages. Il brosse, à cet effet, une galerie d'acteurs tout à fait conforme aux différents rôles à tenir. Michael Byrnes sait susciter une empathie profonde pour ses héros et une antipathie certaine pour les "méchants" de tout poil, catégorie où il mêle aussi bien infâmes voyous que religieux juifs et catholiques.

Ce roman fait suite au Secret du dixième tombeau (Belfond, 2008). Bien que l'auteur, par des flashbacks répartis de façon adroite dans la première partie du livre, il est préférable d'avoir lu le précédent tome pour "coller" immédiatement au récit.

Avec toutes ces composantes, ces ingrédients historico-ésotérico fantastiques, l'auteur offre à la lecture une histoire passionnante, sans temps morts ni longueurs. Il nous amène à adhérer à ses théories, même si elles paraissent extravagantes et à vivre avec passion une intrigue brillamment documentée. La fin ouverte appelle une suite que l'on attend avec plaisir.

 

SITE : K-libre

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 12:57

Maud Tabachnick a le don pour mettre en des situations périlleuses ses personnages, retraçant les scènes d’action avec réalisme, décrivant ses protagonistes et leur psychologie en peu de mots qui s’avèrent efficaces. Le temps passe sans que le lecteur s’en aperçoive, happé qu’il est par la narration énergique. Il se croirait presque dans un film, scotché à son fauteuil, dans une version des bons, des brutes et des truands qui ne manque pas de piquant. Seule image qui humanise cette intrigue, Sonora, la petite chienne que Sandra recueille. Cela faisait longtemps que j’avais lu des aventures de Sam Goodman et Sandra Kahn, mais je retrouve ces deux héros comme si je ne les avais jamais quittés, comme si c’était hier.

 

Site : Claude Le Nocher

 


Sonara. Un nom mélodieux à l’accent latino, gorgé de poésie. Mais derrière ce nom suave et sucré comme un fruit bien mûr, se cache l’enfer des hommes. Un endroit oublié de dieu, où l’individu se déshabille de son humanité pour sombrer dans la folie la plus pure, où la mort est ce que la vie a de plus beau à offrir : une délivrance.

 

C’est dans cet endroit, où la loi des hommes s’évapore au soleil, où leur destin se plante dans le sable chaud comme un insecte clouté à une planche  que nous allons retrouver des personnages récurrents de l’œuvre de Maud Tabachnik.

 

Sandra Khan, tout d’abord, journaliste au San Francisco Chronicle , qui pour avoir accepté d’aider un riche couple californien à ramener  leur fille partie brutalement du giron familial pour voler de ses propres ailes, se retrouve en Arizona sur les traces de la disparue.

 

Mais sur place l’affaire se corse. Il semblerait en effet que la jeune fille ait trouvé une «  Famille » de substitution, sous l’aile protectrice d’un certain Fox, à la fois «  Père » et gourou d’un agglomérat de paumés et de drogués qui aliènent leur liberté à la folie dévastatrice d’un homme , et annihilent  leur humanité dans le sexe , la défonce  et le meurtre. Car dans cette famille, la violence et la perversité ne sont pas les moindres de ses valeurs.

 

Sandra prendra  toute la mesure du mal qui personnifie cette « Famille » quand elle croisera sa route en compagnie de Brad, un banquier qui a vu sa femme et  son enfant massacré  à l’issue de braquage de sa banque par cette bande de dégénérés.

 

Sam Goodman lui, est flic à Boston. C’est le meilleur ami de Sandra.  Après avoir manqué l’arrestation de Mercadier, un caïd haïtien trafiquant d’enfants, échec qui se traduira par la mort d’un officier de police, celui-ci se voit contraint d’abattre quelques heures plus tard un black qui menaçait de son arme des commerçants asiatiques. L’affaire risquant de  prendre une tournure raciale, il  est envoyé en Arizona, sur la piste de Mercadier où celui-ci est parti se planquer.

 

Au déchaînement des hommes va venir se rajouter celui de la nature, dans une tempête de sable qui va prendre tous les protagonistes de ce roman au dépourvu et croiser leurs destins dans une farandole de sang et de démence. Entre les scorpions et les  crotales,  les balles et les poignards,  le désert va prélever son dû, quand l’homme offrira son tribu à la folie.  Car si le désert pour guérir du désespoir, on peut aussi y perdre son âme.

 

Maud Tabachnik aime à enfoncer ses personnages dans une sale histoire. Dans un style sec et sans fioritures, cassant comme un bois mort, elle aime à les tourmenter. C’est un auteur rare qui va au bout de la logique de la violence. Pas de bons sentiments chrétiens pour épargner la veuve et l’orphelin. Mais en même temps, pas de voyeurisme, pas de violence gratuite. Pour elle cette violence n’est pas un spectacle, mais porte en elle un questionnement.

 

J’ai été surpris de voir que la revue «  Elle » la comparait à Michael Connelly. Personnellement je ne vois pas en quoi elle s’en rapproche, et quand on voit la médiocrité des derniers romans de Connelly ce n’est pas forcément le meilleur compliment qu’on pouvait lui faire. Personnellement je rapprocherai davantage Maud Tabachnik d’un Teran Boston par exemple ! D’ailleurs, « Désert Barbare » n’a pas été sans me rappeler «  Satan dans le désert », un livre culte pour moi.

 

J’ai donc pris un vrai plaisir à lire «  Désert barbare » , et j’attendrai donc le prochain avec impatience, dont je me suis laisser dire qu’il aurait un lien avec l’Exodus.

 

Alors si votre été vous semble morose, un poil trop pluvieux,  prenez donc la direction du Sonara à la suite de Maud TABACHNIK, un vrai coup chaud vous y attend ! Mais je vous aurai prévenu.

 

SITE : Passion polar

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 11:43

Après L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, Marc Ruscart, qui connait bien ce continent, signe son second titre se déroulant en Asie en autant de livres parus dans l'excellente collection Rivages/Noir. Dans Noir désert, deuxième enquête du Commissaire Le Floch, c'est au Turkménistan – État d'Asie centrale dont certains ignorent même jusqu'à l'existence tant il est peu connu – qu'évoluent les différents protagonistes de l'histoire.

 

« A l'est, il longe une longue et répétitive suite d'antiques poteaux électriques, avec en arrière-plan la chaîne de Kil-pet-Dag. Les chevaux les emportent au bazar de Talkoutchka, un marché nomade perdu au milieu de nulle part.

Nomad's land.

On y vient de partout. Nomades turco-mongols, sédentaires arabo-persans, adeptes du chamanisme ou pratiquants de l'islam. Teke, Tadkijks, Ouzbeks, Ouïgours, Jomud, Kazakhs, Pachtouns... Le bazar est délimité par de longues files de containers transformés en boutiques ; des autobus déglingués sont alignés à la va-comme-je-te-pousse sur un parking chaotique mêlant rochers, arbustes, épineux et sable. Ils accrochent leurs montures à une barrière entre deux bus pourris. »


Le point fort de ce roman noir est clairement son cadre atypique et les descriptions qui s'en suivent. Au fil des quelque deux-cent-vingt pages que compte l'ouvrage, l'auteur nous fait visiter ce grand pays sur lequel règne en maître un despote pour le moins mégalomane : le Turkmenbachi. Sa monumentale statue orne le rond-point principal de la capitale. Ce qu'il veut, le « Père du peuple turkmène » l'obtient. Ainsi a-t-il décidé de débaptiser le lundi, qui porte dorénavant son nom, ou encore le mois d'avril qui porte celui de sa maman ! C'est lui aussi qui décrète les lois selon son bon vouloir. Fumer dehors est interdit au Turkménistan puisque cela ne plait pas au dictateur.

 

« La statue du Turkmenbachi trône au milieu des sunlights. Le Floch se penche vers l'extérieur :

- Offre-moi un tour de manège.

Éclairée par des lasers, la statue couverte d'or surplombe la ville à soixante-dix mètres du sol... Une statue unique en son genre, chef-d'oeuvre absolu de la démesure et de la folie.

Alex fait le tour de la place au ralenti, blasé :

- Le jour, la statue du Grand Timonier pivote en suivant les mouvements du Soleil. Un astre qui illumine le pays. La nuit, il tourne, le jour, il tourne pour ne jamais tourner le dos au Soleil... Tu le crois ça ?

Le Floch se tord le cou pour apercevoir le roi perché sur son trône éclairé :

- Tu sais ce qui lui manque, là-haut ?

- Non ?

- Le sceptre d'Ottokar !

Ils se marrent. Deux tintinophiles perdus en Bordurie. Pire. Au Turkménistan, là où le boss a débaptisé le mois d'avril pour lui donner le nom de sa maman. C'est beau l'amour filial. Alex fait trois fois le tour de piste, roulez manège ! Les lasers bleus, rouges, verts percent la nuit et donnent un aspect disco au pharaon turkmène. »


Si Noir désert vaut pour le dépaysement qu'il procure, on pourra regretter que l'intrigue n'ait pas été de meilleur niveau – seule la fin est très bonne. De facture très classique, elle peinera sûrement à satisfaire les lecteurs les plus exigeants.

 

« - Tu connais la différence entre un manat et un dollar ?

Le Floch fait non de la tête.

- Un dollar ! »

Fort intéressant sans être transcendant, Noir désert est un assez bon roman noir qui vaut essentiellement pour l'originalité de son décor. Sans être non plus mémorable, sa lecture n'en demeure pas moins agréable. En attendant de voir ce que Marc Ruscart proposera à l'avenir, les lecteurs conquis par ce titre pourront se plonger dans L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, qui se déroule en Russie.

 

SITE : Hannibal le lecteur

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 11:33

Certains d'entre vous avez peut-être lu Noir Béton, le précédent roman d'Eric Miles Williamson. Ça a été mon cas et j'avais rendu compte ici même de l'excellente impression que m'avait laissée le livre et l'auteur. Je n'ai pas (encore) eu l'occasion de croiser la route de Gris Oakland, son premier roman paru en France chez Gallimard (dans la collection La Noire), mais lorsque s'est présentée l'opportunité de plonger à nouveau dans son univers et son écriture avec la parution de Bienvenue à Oakland je peux vous assurer que je n'ai pas attendu bien longtemps.

Tout commence comme une grande claque dans la gueule. Comme si celui qui avait écrit ça t'attrapait au collet et te secouait un bon coup pour te faire comprendre à toi — à toi personnellement, tas de bouse ramollie — que ce livre recelait autre chose que des personnages, qu'il s'agissait de vie, de vraie vie, de celle qui laisse des traces — au sens propre comme au figuré.
Car T-Bird Murphy, le narrateur, n'est de fait pas vraiment un personnage de roman (d'ailleurs, on ne peut pas parler ici d'intrigue) ; il se présente comme un témoin, un révélateur, doublé d'un excellent conteur.
T-Bird va TE raconter sa vie. Et si j'emploie sciemment le tutoiement, c'est parce que le lien qui se tisse ici entre le lecteur et le narrateur est de l'ordre de l'intime. Ça ne se fait pas vraiment dans la douceur, plutôt les yeux dans les yeux, histoire de bien se faire comprendre et de marquer l'urgence et la rage qui sous-tendent le discours. Discours est d'ailleurs sans doute un bien grand mot puisque s'il y a bien une cohérence d'ensemble qui se dégage au final — et quelle cohérence ! — le récit se construit de manière chaotique au "hasard" des souvenirs de T-Bird qui s'enchaînent les uns aux autres ; une anecdote en appelant toujours une autre, comme une conversation, ou plutôt un monologue, déversé au coin d'un bar perdu, minable et enfumé, devant une bière pisseuse, avec toute l'intensité du désespoir.

« Y a rien de plus beau que la volonté de vivre lorsqu'on baigne dans le désespoir absolu. L'espoir, c'est pour les connards. Il n'y a que les grandes âmes pour comprendre la beauté du désespoir. »

Le monde de T-Bird, c'est la baie de San Francisco, mais vue du "mauvais" côté, celui d'Oakland, dans la grisaille, loin des lumières de la ville. Ici, les ghettos Noirs font peur, même lorsqu'on y est né. Au hasard des pages, T-Bird retrace son parcours de fils d'immigrés Irlandais, élevé par un père qui n'est pas le sien, abandonné par une mère partie chercher fortune et meilleur parti ailleurs. T-Bird raconte l'Amérique d'en bas, celle des travailleurs qui ne s'en sortent pas avec leurs métiers pénibles, égorgés par les pensions alimentaires, et qui se retrouvent au bar pour échanger leurs désespoirs devant un mauvais whisky. Et si la lutte de classe n'a plus bonne presse, qu'on nous rabâche qu'elle n'existe plus, T-Bird nous rappelle que les classes, elles, perdurent.
Reste que dans cette misère crasse, la solidarité existe bien et que c'est sans doute elle qui au final fait la saveur exceptionnelle de ce monde vivant, infiniment vivant. T-Bird a connu une vie "normale", a possédé une maison, a exercé un métier décent, s'est marié, mais c'est au fin fond d'Oakland qu'il est revenu pour se sentir en vie. Eric Miles Williamson écrit des pages magnifiques à ce sujet :

« J'aimerai savoir si le manque de courage est une invention de ton cru et propre au gars de ta génération, ou s'il est mon destin, un destin auquel, pour mon bien, je ferais mieux de ne pas tenter d'échapper, un héritage qu'il me faut comprendre, et par conséquent accepter et dorloter comme un enfant débile, le mien. »

Il n'est jamais question de misérabilisme dans Bienvenue à Oakland, et si l'auteur décrit d'une certaine manière l'envers du rêve américain, il rappelle constamment le choix de T-Bird, son aspiration à rester proche de la vitalité incarnée par ses voisins, ses amis, ses collègues.
Et puis il y a la musique, qui permet de surmonter les "interdits" raciaux, comme une échappatoire, un subterfuge universel pour masquer la dure réalité ou l'habiller de mille feux. T-Bird joue de la trompette… et parfois du jazz.

« Avec le jazz (…), suffit de suivre la pulsation qui te bat dans les couilles, tes fluides circulent et t'as ce truc en toi, ce truc que tu ne ressens pas tant que tu ne joues pas, mais que tu captes dès que tut te mets à jouer, et que tu laisses échapper dans le bar. Jouer du jazz, c'est comme être bourré au dernier degré et baratiner sa nana préférée pour la convaincre qu'on est vraiment sexy… et y arriver ! »

« La Mission d'un musicien consiste à supprimer le bruit des hommes. À faire oublier le bruit des hommes en le remplaçant par un autre plus éloquent. »

Enfin, puisque T-Bird et son créateur se ressemble au point de parfois ne faire plus qu'un, il sera aussi question de littérature, toujours sur le même ton :

« Ce dont on a besoin, c'est d'une littérature imparfaite, d'une littérature qui ne tente pas de donner de l'ordre au chaos de l'existence, mais qui, au lieu de cela, essaie de représenter ce chaos en se servant du chaos, une littérature qui hurle à l'anarchie, apporte de l'anarchie, qui encourage nourrit et révèle le folie qu'est véritablement l'existence quand nos parents ne nous ont pas légué de compte épargne, quand on n'a pas d'assurance retraite, quand les jugements de divorce rétament le pauvre couillon qui n'avait pas de quoi se payer une bonne équipe d'avocats, une littérature qui dévoile la vie de ceux qui se font écrabouiller et détruire, ceux qui sont vraiment désespérés et, par conséquent, vraiment vivants, en harmonie avec le monde, les nerfs à vif et à deux doigts de péter un câble, comme ces transformateurs électriques sur lesquels on pisse dans la nuit noir d'Oakland. »

Tout est dit, ou presque :

« (…) il y a peut-être au fond, en moi, un truc qui tourne vraiment rond, un truc pur et transcendantal fait pour voir et pour ressentir la douleur du monde, pour ingurgiter et digérer cette horreur brute, et la transformer en une chose belle et cristalline, comme si je pouvais réduire des ordures en sublimes pierres précieuses. »

C'est T-Bird qui s'interroge, et c'est Eric Miles Williamson qui lui répond sous la forme d'un admirable roman noir qui, tout en bousculant les codes, s'inscrit sans hésiter dans le Panthéon du genre.
Ecrit avec style, la plume trempée dans les tripes, Bienvenue à Oakland est un roman d'une incroyable puissance qui fera paraître bien insipides nombre de vos lectures.

SITE : Noir'polar

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 11:23

Serge A. Storms est de retour, et il est bourré de bonnes résolutions qu’il entend bien mettre en œuvre avec l’aide de son comparse Lenny, le presque sosie de Don Johnson :

 

             « créer ma nouvelle ligne de boissons énergisantes et la tester sur le marché, sauver de l’extinction les souris des marais de Loxahatchee, résoudre le mystère de la mort de mon grand-père, retrouver les diamants volés au cours du plus grand vol de bijoux jamais commis aux États-Unis, donner un coup d’arrêt aux activités de la Mafia en Floride du Sud, discréditer Castro sur la scène internationale, aider la Chambre de commerce à restaurer son image, rendre le respect qu’ils méritent à ces hommes et à ces femmes qui ont travaillé avec tant de courage pour les services de renseignements américains, faire revenir l’émission Today à Miami pour donner un coup de boost à la fierté et à l’économie locales, vivre mon époque à plein comme Robert Kennedy (si la météo le permet) et accomplir tout cela grâce à mon entreprise fondée sur les principes de la nouvelle économie, du respect de l’environnement, du développement spirituel et de la prise en compte de l’héritage historique. Tout ça par Internet, bien évidemment ».

 

                C’est un programme bien chargé, mais rien – ou presque – n’est impossible pour Serge qui va tenter de s’y tenir avec l’opiniatreté dont il est coutumier. Alors, bien sûr, ça va partir un peu dans tous les sens.

                Comme d’habitude, Tim Dorsey nous fait découvrir une autre facette de la Floride et une multitude de personnages tous plus déglingués les uns que les autres. Avec un petit changement toutefois. Là où, jusqu’à présent, il aimait à multiplier les histoires et les personnages parallèles qui finissaient par se joindre à la fin, Dorsey choisit cette fois de mener seulement deux histoires de front, à deux époques différentes : celle de l’entreprise de Serge de nos jours, et celle de Sergio, le grand-père de Serge, entre 1963 et 1964.

                Cela commence bien entendu sur les chapeaux de roues avec notamment une scène d’enlèvement organisée par des VRP en goguette et le rythme, dès lors, ne fait plus qu’accélérer pendant 400 pages avec, en particulier, une deuxième moitié de roman complètement débridée.

 

                C’est fou, ça part dans tous les sens et il serait bien téméraire d’essayer de vraiment s’y retrouver : « Avant qu’on n’ait dit ouf, on va se retrouver à Miami comme en 1964, emmêlés dans une immense conspiration tentaculaire qui laisserait Oliver Stone lui-même sur le cul » pense, à raison, l’agent Miller, du FBI. Et effectivement : FBI, Mohammed Ali, CIA, Beatles, guerilleros anticastristes, Les Experts Miami, VRP, James Bond, mafiosi, journaliste sportif, touristes du Michigan, chinois à chapeaux melons, sont de la partie. Du Oliver Stone, certes, mais avec une étincelle de talent en plus, et surtout de l’humour.   

                Aussi étonnant que cela paraisse, Tim Dorsey continue à se renouveler et à nous faire mourir de rire. Non seulement il y arrive, mais en plus il le fait de mieux en mieux. On aurait tort de s'en priver. 

 

SITE : Encore du noir

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