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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 13:53

Les romans sur les Templiers, les Cathares, le Vatican et autres bondieuseries souvent médiévales, je m’en méfie : « encore… » est ma première réaction. « Les derniers parfaits » n’a donc pas échappé à ce réflexe, avant que je n’entame une lecture qui fut difficile sur un point : la police de caractère choisie est microscopique. Ça peut ressembler à un détail, mais ça ne l’est pas à mes yeux fatigués. Résultat : j’ai haché ma lecture afin de les soulager, ce qui n’est pas un avantage. Je l’ai cependant appréciée, essentiellement pour son originalité.

C’est que Paul Beorn plonge son lecteur dans un contexte historique assez déconcertant. Trois hommes et une femme enchainés parviennent à échapper aux soldats qui les utilisent comme esclaves, mais pas à se détacher. Ils ne peuvent donc se déplacer qu’ensemble, et réfléchir ensemble à la meilleure façon de feinter l’ennemi. C’est-à-dire les catharis, autrement dits Albigeois, qui font régner l’ordre par la terreur religieuse sur toute l’Occitanie. Et là, le lecteur se dit tiens, je croyais que les cathares, c’étaient les gentils de l’Histoire, les opprimés… Eh bien non. Si au départ ces Cathares étaient effectivement bons et tolérants, ils se sont transformés en bourreau un siècle plus tôt en faisant un pacte avec des créatures maléfiques censées protéger leurs dernières forteresses des croisés. Ils ont ainsi acquis beaucoup de puissance, leur religion s’est institutionnalisée au point d’en devenir à son tour oppressive.

Nos quatre héros enchaînés sont dans une large mesure victimes des catharis. Mousse, la jeune femme, est depuis l’enfance à la recherche du sanctuaire de Mala Pugna, ville mythique disparue lors de la Grande Catastrophe qui libéra la magie et engloutit sous les eux une bonne partie de l’Europe. Elle veut trouver des « malefica », objets recelant l’antique magie de l’Empire premier. Cristo, d’origine roturière, a l’héroïsme dans le sang et court sans fin au devant du danger pour secourir la veuve et l’orphelin. Il deviendra d’ailleurs le sauveur, celui qui avec une poignée de femmes parviendra à libérer une inexpugnable forteresse devant laquelle une armée de cinq cents soldats s’est cassé les dents… Parce que oui, place est faite à l’action, aux rebondissements sans souci permanent de la cohérence. « Les derniers parfaits » s’inscrit dans la tradition des grands romans d’aventure et de fantasy, se démarquant de ses semblables par une attention minutieuse portée au contexte. La réutilisation du matériau historique est précise et surprend agréablement le lecteur, par l’étendue et l’intelligence des divergences imaginées. De nombreuses trouvailles originales parsèment le roman, comme la religion du Dieu-compagnon, celle des Francs (au Nord), qui octroie à chacun une part de magie animale.

Sans être excessivement originaux, les personnages sont sans nul doute hauts en couleur, comme il se doit dans ce genre de roman. Ils cachent bien des mystères concernant leur identité, sciemment ou non, ce qui fait partie des rebondissements de l’intrigue qui n’en manque pas.

Autant d’ingrédients qui font de ce roman un bon divertissement, original et rythmé dans un univers sombre et dense.

 

SITE : Mes imaginaires

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 13:49

Dirigée par Xavier Mauméjean au Pré aux clercs, les premiers titres de la nouvelle collection Pandore sont disponibles depuis novembre et vise le public young adult. On peut trouver au milieu de deux vétérans de l’écriture, Fabien Clavel et Hervé Jubert, le premier roman d’Estelle Faye, La dernière Lame. Sous une couverture terne et une accroche qui ne donne pas vraiment envie (« Elle est belle, courageuse, respectée. C’est sa malédiction. ») se cache un récit qui mérite largement mieux que son emballage.

 

 

Dans ce roman apocalyptique moyenâgeux, les eaux montent et engloutissent les terres. Profitant de cette période propice pour les extrémistes, l’église des Cendres répand la mort, détruisant toute trace de science et même de médecine. Marie, dissidente de la secte, dirige une bande de fanatiques tandis que Joad, revenu d’un long voyage pendant lequel il a perdu la mémoire, croit avoir dans ses tatouages le moyen de renverser la crue.

 

C’est dans cette ambiance de fin du monde, qui pourra rappeler par sa noirceur l’excellent Dehors les chiens, les infidèles de Maïa Mazaurette, que se déroule La dernière Lame. Décor réussi pour cette heroic fantasy, ce monde au bord des ténèbres est le point fort du roman. Si on peut regretter quelques ficelles (l’amnésie des deux principaux personnages ou l’utilisation de quelques prophéties) et raccourcis (la résolution en quelques lignes de la crue alors que cela semblait l’enjeu majeur du récit), les qualités de la narration l’emportent rapidement : Estelle Faye sait donner vie à son univers et embarquer le lecteur dans l’aventure. Son écriture est fine et évite le trop-plein de beaucoup de premiers romans de fantasy. Un livre prometteur pour la suite.

 

SITE : Noosfère

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 13:24

Ah Paris ! La ville de l’amour avec la Seine, sa Tour Eiffel, son Sacré-Cœur, ses irradiés, ses mutants, ses psiliens… Bienvenue en 2087 ! Vous ne regretterez pas votre séjour !

 

David Bry, auteur de La Seconde chute d’Ervalon et de Failles parus en 2009 et 2011, propose cette année un roman mêlant les genres. Mais c’est aussi un auteur qui écoute de la musique, et de la bonne ! The XX et Placebo ont ainsi bercé l’écriture de 2087…

 

Gabriel Seste, un détective ancien membre de l’Armée de Paris, erre dans les rues irradiées de la ville en quête de réponses aux crimes impunis. Comme d’habitude, ce jour-là, tout commence par un appel : une femme qui désire simplement retrouver le meurtrier de sa sœur. Banal ? Non, complexe. Car une fois arrivé chez Dahné Andrès, c’est un cadavre et la tête d’un psilien qui l’attendent. Une tête qui lui est personnellement adressée. Ensuite tout s’emballe : les morts s’accumulent autant que les questions. La vérité est dès lors la seule qui comptera, la seule qui guidera ses pas dans les profondeurs mortelles d’un Paris désenchanté.

 

Roman noir, cyberpunk et polar

 

L’ouverture du récit est simple, rapide et efficace. Les premières lignes sont accrocheuses, l’univers sombre et futuriste planté là sans fioriture : communicateur, panneau à paysage virtuel, dôme énergétique, aérocars, passerelles semi-aériennes, air radioactif,… Bienvenue dans le Paris de 2087. Et si vous vous y perdez, il y a toujours un petit glossaire à la fin du livre, mais la plongée dans l’univers de David Bry se fait presque naturellement. L’écriture de l’auteur est machiavélique dans le sens où la fin de chaque chapitre est faite pour vous conduire irrésistiblement au suivant. En l’espace de quelques pages, nous passons d’un simple crime à trois cadavres ; le troisième se réduisant à une tête. L’intrigue rapidement s’épaissit et se complexifie. Tout est mis en place avec méthode pour ménager le suspense : les découvertes s’accumulent sans révéler leur vérité car, sans se mêler, elles se lient à un seul homme ignorant du propre rôle qu’il joue dans cette affaire, Gabriel lui-même. Et quand l’étau se resserre autour de lui, nous partageons ses angoisses, ses cauchemars, ses douleurs, ses regrets, ses questionnements. Captiver est le mot qui convient pour décrire l’état dans lequel la lecture de 2087 nous plonge : on ne le lâche plus. L’heure des révélations approche ; moment intense, frustrant, nerveux que l’on redoute car elle annonce inévitablement la fin que l’on veut repousser, et que l’on désire pourtant tout à la fois.

 

Paris, piégée sous son Dôme protecteur, a perdu son humanité. Les nouvelles technologies ont produit des âmes errantes sans distinction telles des robots. La ville, sous le joug du Consul, des corporations et de l’armée, est surveillée sans relâche, les naissances contrôlées, les morts quotidiennes. Exclus et stigmatisés, les irradiés, les mutants et les psiliens sont abandonnés à leur sort. Les brumes radioactives sont devenues leur unique refuge, le crime, leur raison de survie et la haine, leur arme. Et puis bien sûr, seuls les plus riches s’en sortent bien, ceux du secteur A à l’abri dans leurs quartiers surprotégés. Et tout semble réaliste, possible : 2087 nous propose un aperçu de la fin, de celle provoquée par l’Homme lui-même avec sa frénésie des progrès. Le passé – notre présent à nous, lecteurs – ne semble plus être qu’un mythe nostalgique.

 

Quelques minuscules regrets tout de même

 

Le personnage principal est bien développé, et heureusement me direz-vous ! Bisexuel drogué, hanté par la disparition non résolu de son frère, incapable d’avancer, fuyant les personnes qu’il aime, prenant des risques et mettant sa vie en jeu, il n’est plus qu’une ombre qui ne vit que pour la vérité. Malheureusement, il n’en est pas de même pour les personnages secondaires mais qui sont tout aussi important. 2087 est un très bon polar qui aurait pu gagner en épaisseur en développant les existences de Zina, Martin, et Lieume. La vie dans les banlieues est succinctement abordée et c’est plutôt dommage. Renan de Bagnolet, pourtant grand seigneur des banlieues, n’est qu’un nom sans visage. L’horreur, le dégoût, la peur et la haine envers les mutants, les irradiés et les psiliens sont des aspects qui auraient pu être appuyés par des descriptions physiques plus minutieuses pour créer une image beaucoup plus visuelle dans l’esprit du lecteur. Peut-être aussi aurait-il été intéressant de développer la construction de ce Paris post-apocalyptique, pour appuyer le trait sur cette humanité brisée se reconstruisant à coups d’implants. Et il y a l’intrigante petite Emma. Enfin, l’impression finale de cette lecture est qu’il y a comme un manque. Ah ! Et la scène de sexe virtuelle dans le simulateur est bien sympathique mais bien courte aussi !

 

En tout cas, ce roman est un très bon roman palpitant et sans temps mort que j’ai dévoré. Et comme dirait Gabriel Seste : « Et merde … Et re-merde ! » : c’est déjà fini !

 

Stéphanie Giard

 

Site : ActuSF

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 13:21

Un joyeux bazar particulièrement jouissif !

 

Vincent Gessler est né en 1976 à Sierre, en Suisse. Écrivain et scénariste, il a déjà à son actif plusieurs nouvelles publiées dans différentes revues et anthologies (notamment Au bord de l’Abyme et Les risques du métier dans Lunatique, et Fractal dans Utopiae 2006) ainsi qu’un roman dans un monde post-apocalyptique, Cygnis. Mimosa est son deuxième roman.

 

Un monde délirant...

 

Dans un monde où la mode est d’être le sosie d’un personnage célèbre réel ou fictif, Tessa est l’une des rares personnalités originales. A la tête de l’agence Two Guns Company & associated, elle mène une enquête sur un trafic d’organes. Enquête qui va lui révéler des détails étranges sur son passé, et l’amener à vouloir en savoir plus sur qui elle est exactement. Ed Harris et Crocodile Dundee seront là pour l’épauler...

 

Plus vrai que nature !

 

Après un premier roman prometteur, Vincent Gessler nous livre un second récit qui confirme toutes les promesses entrevues dans Cygnis. Si Mimosa reprend bien quelques ingrédients déjà utilisés dans le premier roman de l’auteur, notamment la quête d’identité de son personnage principal, l’approche est différente. On passe ainsi d’un récit à la tonalité sombre à un récit beaucoup plus délirant et décalé. L’histoire commence comme un polar, avec ses personnages de privés d’autant plus archétypaux qu’ils reprennent des personnages de fiction, et part sur des bases connues... mais dans un monde où tout le monde est le sosie d’un acteur, d’un chanteur ou personnage célèbre, il aurait été étonnant que le récit se poursuive de manière stéréotypée ! Et c’est dans un enchaînement jubilatoire d’événements et de personnages improbables que beaucoup d’interrogations trouveront leurs réponses.

 

Ce roman bourré de références à la culture populaire est écrit sur un rythme échevelé, qui n’empêche pas la réflexion pour autant ; les questions de l’héroïne sur son identité et le lien avec la réalité virtuelle ne sont pas sans évoquer les interrogations présentes dans les récits de Philip K. Dick ou des films comme Ghost in the Shell, l’humour en plus. L’auteur est parvenu à mettre en place une sorte de méta-fiction en faisant référence à ce qu’il aime dans des domaines aussi divers que le roman, le cinéma, la télévision, la chanson, le show-business... avec le mimosa comme point d’ancrage pour donner un semblant d’ordre à tout ce bazar.

 

Ca fonctionne impeccablement, on ne s’ennuie pas une seconde à la lecture de ce roman drôle, rythmé, bourré de références et de clins d’oeil, qui fait réfléchir sur notre rapport à la fiction... et la façon dont tout un chacun est finalement son propre personnage. Quelque part, on est tous une fiction, et il n’est d’ailleurs pas exclu que vous apparaissiez aussi dans Mimosa !

 

Tony Sanchez

 

SITE : ActuSF

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 13:18

Un vampire bisexuel à la solde du Vatican... tout un programme !

 

Depuis ses débuts en 2008, année de la publication de La Vieille Anglaise et le continent chez Griffe d’encre (primé à quatre reprises), Jeanne-A Debats a publié en tout huit livres, pour les ados comme pour les adultes chez l’Atalante, Syros et aujourd’hui Ad Astra. Elle a également rédigé une flopée de nouvelles et dirigé deux anthologies, Chasseurs de fantasmes et Destination Univers.

 

Vampire et chasseur de "monstre".

 

Raphaël est un vampire vieux de plusieurs siècles qui travaille pour le Vatican. Il est une sorte d’assassin exécutant les cibles désignées par son employeur, essentiellement des "monstres". Sa nouvelle mission va l’emmener au Brésil à la chasse d’un ancien nazi récemment converti en vampire.

 

Drôle, plutôt intelligent et percutant...

 

Métaphysique du Vampire est un de ces petits romans ramassés et denses que l’on ne peut que conseiller. D’abord parce que le personnage est plutôt attachant. C’est le pivot de cette histoire. Vieux vampire n’aimant pas franchement la compagnie, que ce soit celle de ses semblables ou celle des "humains" "normaux" (notez tous les guillemets), Raphaël assume parfaitement sa misanthropie mais aussi sa bisexualité (d’ailleurs il penche plutôt du côté homo). Fort en gueule, l’empathie est d’autant plus forte qu’il est le narrateur de cette histoire.

 

Ensuite parce que le récit contient quelques passages véritablement étonnants où l’on sourit volontiers (non non, on ne vous en dira pas plus). Jeanne-A Debats joue parfaitement avec les règles des vampires, adaptant celles qui sont "classiques" pour en donner sa propre définition et servir au mieux son histoire. On est très loin de la Bit Lit ! Tant mieux.

 

Enfin parce que le roman contient un peu plus que la simple aventure de son héros. C’est drôle certes, mais c’est aussi l’occasion pour l’auteur de parler de la différence et de la religion. Un livre aussi divertissant qu’intelligent. Une réussite à saluer !

 

Jérôme Vincent

 

SITE : ActuSF

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 13:14

Un thriller futuriste rythmé et très efficace !

 

Philippe Nicholson est né en 1974. Auteur au parcours éclectique, il a goûté à l’univers de la finance, écrit des papiers économiques, travaillé comme équipier sur des voiliers en Atlantique, fait du conseil en communication. On lui doit Krach Party, qui prend pour cadre l’univers de la finance. Serenitas est son deuxième roman.

 

Un Paris glaçant

 

Paris, dans quelques décennies. La ville est tentaculaire, en proie à l’insécurité et à l’insalubrité. Alors qu’émergent, à sa périphérie, des îlots de luxe pour privilégiés, les quartiers pauvres sont sous la coupe des réseaux mafieux ; les services publics ont disparu, laminés par les intérêts privés, et notamment ceux de la Ijing Ltd. Fjord Keeling, journaliste au National, va très vite être confronté à cette compagnie, et à des intérêts qui le dépassent.

 

Un excellent thriller d’anticipation

 

Divisé en courts chapitres qui sont autant de points de vue différents sur l’univers décrit, le récit s’intéresse particulièrement à l’itinéraire d’un journaliste, et de sa lutte contre un système devenu fou. Le roman se dévore d’une traite, et s’il ne manque pas de rythme, ce n’est pas au détriment du suspense, avec une intrigue menée de main de maître.

 

Le Paris décrit ici est particulièrement réaliste : les évolutions imaginées par l’auteur offrent une vision à peine déformée de la société actuelle, et la lecture en est d’autant plus saisissante. L’écriture est nerveuse, ne s’embarrasse pas de fioritures, et la narration est menée tambour battant. Les dialogues font mouche, les différents personnages sont bien campés, et particulièrement crédibles.

 

Une très belle réussite qui nous montre un futur peu reluisant, mais qui pousse à s’interroger sur les dérives actuelles.

 

Tony Sanchez

 

SITE : ActuSF

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 13:09

Sur Bankgreen, tout a une raison.

 

Thierry Di Rollo est né en 1958 à Lyon. Auteur avant tout de science-fiction, il publie son premier roman en 1997, Number Nine. Ses textes sont noirs et pessimistes, intransigeants envers la nature humain. En 2007, il s’essaie au polar et sera même publié dans la Série Noire de Gallimard avec Préparer l’enfer en 2011. Elbrön est la seconde partie d’un diptyque, débuté par Bangkreen, une fantasy atypique et sans concession qui bouleverse les codes du genre.

 

"Je suis Mordred, le premier des varaniers."

 

Mordred, le dernier des varaniers, pourtant réputé immortel, n’est plus. Des décennies ont passé, une guerre s’est terminée et des Arfans, Digtères et Shores ne restent plus que ces derniers, esclaves ayant retrouvé la liberté. Mais la paix est menacée : par-delà le temps blanc se dresse les Elbröns, morts revenus à la vie, assoiffés de sang et de vengeance. Qui pour se dresser contre ces créatures décharnées, fragiles mais redoutables ? Le salut pourrait bien venir d’une armure oubliée de tous, celle d’un guerrier qu’on disait ne pouvoir mourir...

 

Tout est une question d’équilibre

 

Les livres de fantasy se suivent et se ressemblent bien souvent... à quelques rares exceptions près. Elbrön en fait partie. Suite logique de Bankgreen, il nous plonge dès les premières pages dans l’univers familier et rigoureux de la planète mauve et noire. Les Runes continuent de comploter, les humanoïdes sont toujours impuissants face à leur destin et Bangkreen reste immuable, indifférente au sort des êtres qui la peuplent.

 

La galerie des personnages est assez réduite, peu reviendront plus de quelques chapitres. Et ne sont que prétexte, au final, à la trame générale. Tous, ou presque, sont soumis à une destinée funeste et ce n’est pas parce qu’on n’a que quelques cycles que l’on sera épargné. Les destins individuels ne comptent pas, la vie de ces humanoïdes trop éphémère pour vraiment compter. Comme dans tout univers de Thierry Di Rollo, le désespoir et la fatalité sont omniprésents : point d’échappatoire, point de salut à attendre ici, l’avenir ne sera pas plus radieux après cette histoire... mais certainement pire. Compassion ? Inexistante. Optimiste ? Inconnu.

 

La violence de l’univers n’a pas non plus disparu. Elle va de paire avec cette noirceur, son compagnon logique : de part les Elbröns, déjà, dont la naissance et la vie (si ces concepts peuvent avoir un sens pour des morts revenus parmi les vivants) ne sont que douleur et dont le retour ne peut se terminer que dans un bain de sang. Et avec Mordred, surtout, impitoyable, insensible, prêt à accorder une mort moins atroce - tout est relatif quand on le connaît un peu - à ceux dont il juge le trépas horrible. Le dernier des varaniers, la Mort personnifiée.

 

On appréciera ou pas, mais Elbrön présente une différence de taille par rapport à Bankgreen : beaucoup plus linéaire, moins elliptique, les non-dits sont rares et le récit en devient bien plus compréhensible. Là où la trame pouvait parfois paraître nébuleuse dans le premier volume, elle est, là, au contraire, limpide. Peut-être un peu trop : ces zones d’ombre, faisant appel à la perspicacité du lecteur et donnant à l’histoire une force particulière, faisait aussi le charme de Bankgreen.

 

Lire Elbrön, c’est avant tout plonger dans une ambiance particulière, peuplée d’images fugaces, de tableaux insaisissables, sur lesquels plane une inéluctabilité douce-amère. Au-delà de l’histoire, classique, c’est avant tout l’atmosphère qui retient l’attention : dérangeante, malsaine, poétique... irrésistible, elle ne peut laisser indifférente.

 

Avec ce diptyque, Thierry Di Rollo offre à la fantasy l’un de ses plus beaux univers, de ceux qu’on ne voudrait jamais quitter. A regret, on abandonne Bankgreen à ses ombres... en se disant que, bien que sombre et torturé, le voyage fut exaltant. A quand un prochain roman ? On se languit déjà.

 

Marie Marquez

 

SITE : ActuSF

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 12:59

Si vous entrevoyiez votre mort, cela changerait-il votre façon de vivre ?

 

Paco Ahlgren est né en 1968 aux Etats-Unis. Après avoir fait partie de plusieurs formations musicales, en tant que compositeur, chanteur, guitariste et même violoncelliste, il obtient un diplôme dans la finance et travaille pendant vingt ans en tant qu’économiste, programmeur ou encore analyste. Discipline, son premier roman, a obtenu le Eric Hoffer Award, prix récompensant les livres publiés par des maisons indépendantes.

 

Descente aux enfers

 

Douglas Cole est un adolescent presque comme les autres : ses parents sont divorcés, son petit frère est asthmatique, il se fait embêter à l’école par deux brutes qui l’ont affublé du drôle de surnom Medecine Man et son temps libre se partage entre les échecs, le violoncelle, la drogue et un petit job où il aide Jack, le meilleur ami de son père, à réparer des ordinateurs. Sauf qu’il est capable de certaines choses, des choses auxquelles il refuse de croire. Un soir, sa vie bascule : son père et son frère trouvent la mort dans un accident de voiture.

Quelques mois plus tard, Douglas déménage à Austin, Texas, pour étudier l’informatique. Mais les études sont le cadet de ses soucis : depuis la tragédie, des fantômes hantent ses journées et des visions effrayantes ne le lâchent plus. Essayant de les repousser en utilisant des quantités toujours plus grandes de drogues et d’alcool, Douglas s’enfonce dans une spirale infernale. Après avoir touché le fond, il finira par trouver la rédemption. Mais à quel prix ?

 

Echec et mat

 

Pour un premier roman, Paco Ahlgren n’y est pas allé avec le dos de la cuillère : physique quantique, univers multiples, économie et même échecs se mélangent allègrement. Si le mélange de ces thèmes forment un ensemble cohérent et captivant, il n’en reste pas moins indigeste parfois.

 

Le roman, qui se présente sous la forme d’un témoignage, peut être découpée en deux parties, à l’opposé l’une de l’autre. La première s’intéresse au Douglas d’avant puis d’après l’accident jusqu’à ce qu’il se retrouve au fond du trou. Fortement tournée vers l’émotion, on suit au plus près les épreuves que subit le personnage jour après jour, année après année. Rien ne nous est vraiment épargné et il en résulte un récit particulièrement éprouvant psychologiquement. Enfermé dans une spirale d’auto-destruction, Douglas Cole lutte contre ses propres démons sans vraiment pouvoir s’en éloigner. Il ne trouve qu’un répit, bien fugace, que dans les échecs et sa relation avec sa petite amie, dont il finira par s’éloigner de la plus abjecte des manières.

Mais cette partie, aussi éprouvante soit-elle, n’en est pas moins déconcertante : si quelques indices sur la suite du récit commencent à être disséminés, on s’interroge sur le bien fondé de la longueur de cette descente aux enfers. Etait-il nécessaire de s’attarder autant sur les épreuves qui s’érigent sur son chemin ? Un certain malaise s’en dégage, un voyeurise dérangeant qui ne peut se justifier que par une plus grande empathie pour le personnage... Car ce qu’il vient de vivre n’est rien comparé à ce qui l’attend.

 

La seconde partie commence après le salut de Douglas. Il comprend alors que lui seul peut mener à bien une mission cruciale, dont l’enjeu n’est autre que la sauvegarde du monde qu’il connaît. Afin de défaire cet ennemi invisible qui le traque depuis son enfance, il a à sa disposition une arme redoutable : l’économie. Si le récit avait été jusque là particulièrement difficile d’un point de vue mental, il prend une toute nouvelle dimension. Nous amenant dans un domaine qu’il connaît particulièrement, la finance, Paco Ahlgren joue avec une facilité déconcertante avec des concepts mêlant économie et métaphysique.

Après une première partie tournée vers l’affect, on se retrouve désormais dans une suite d’événements racontée de manière rationnelle. Douglas a quasiment banni tout sentiment et ne vit plus que pour et à travers les divers sujets qu’il étudie - économie mais également physique quantique, bouddhisme, etc. Les rares moments d’émotions se font à travers les nombreux accès de colère à l’encontre de Jefferson Stone, le mystérieux joueur d’échecs qui l’a aidé à s’en sortir, et Jack, le vieil ami de son père, qui a décidé de le prendre sous son aile. Ces accès de colère - vite lassants de la part d’un adulte confronté à ce genre de situation depuis des années - sont le reflet de la possible frustration du lecteur face à ce mutisme partagé. Car les révélations viendront en leur temps et il faudra être patient avant de savoir la nature de cet ennemi et si, oui ou non, Douglas parviendra à en triompher. Malgré ces longueurs et des réflexions parfois tortueuses - à la limite de l’abscons pour le novice - la fin, même si largement prévisible, se révélera à la hauteur de l’aventure.

 

Discipline n’est pas un mauvais livre, au contraire : il fait simplement partie de ces romans dont on ne sait pas très bien si on a adoré ou détesté, tellement le chemin fut parfois laborieux... mais nécessaire vu la récompense à la clé. Intelligent et exigeant, il reste un expérience de lecture réellement originale dont les éléments science-fictifs sont, au final, assez discrets. Plus que la résolution en elle-même, et la révélation finale, c’est avant tout le cheminement de Douglas Cole qui est important. La place de l’humain, ses doutes, ses faiblesses, ses victoires, son opiniâtreté... tout ce qui fait de nous des humains, dans nos pires comme dans nos meilleurs moments. Une ode au courage et à la persévérance, qui prouve que l’on peut se relever même après les pires épreuves... et qui montre que le futur n’est pas une machine inexorable mais qu’elle peut être pliée à notre volonté, pour peu qu’on s’en donne les moyens.

 

Avec Discipline, Paco Ahlgren prouve qu’il est une voix singulière dans cette littérature transgenre et un auteur à suivre. On espère que ce premier roman, injustement passé inaperçu à sa sortie, ne sera pas son seul coup d’éclat.

 

Marie Marquez

 

SITE : ActuSF

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 12:55

Si vous lisez cette phrase, c’est que vous êtes en vie.

 

Jeff Noon est né en 1957 dans la banlieue de Manchester. Ses premiers écrits se font sous la forme d’une pièce de théâtre, Woundings, en 1986. Le premier roman viendra plus tard, en 1993 : il s’agit du mythique Vurt, qui remporte l’année suivante le prix Arthur C. Clarke. Connaissant un franc succès au Royaume-Uni, parfois comparé à Williams Gibson, il est une première fois publié en France chez Flammarion à la fin des années 1990. Il faudra néanmoins attendre 2006 et le travail de la Volte pour découvrir toute la virtuosité de la prose de Jeff Noon. Après Pollen, Pixel Juice ou encore NymphoRmation, Descendre en marche, écrit en 2002, est le cinquième roman de l’auteur disponible en France. Pour les anglophones, Channel SK1N, le premier roman de l’auteur depuis 10 ans, vient de sortir en version numérique uniquement.

 

 

Road trip sous influence

 

Royaume-Uni, futur proche. Un étrange virus s’attaque aux mots et leur fait perdre leur sens. Un seul remède : Lucy, la drogue Lucidité, qui redonne, pour un temps un peu de consistance au réel et empêche de basculer dans la folie. Dans une voiture, quatre inconnus sillonnent le pays afin de retrouver des fragments d’un miroir. Parmi eux, Marlène, ancienne journaliste, couche dans son journal, jour après jour, ses souvenirs mais aussi les aléas de leur quête singulière...

 

 

Marlène au pays des souvenirs

 

Dans une Angleterre saturée de bruits, où le moindre panneau se brouille et ne veut plus rien dire, quatre jeunes gens, qui ne se connaissent pas, errent sans but... ou presque. Dès les premières pages, le ton est donné et on se retrouve en terrain familier. Ce qui fait la patte de Jeff Noon est bien présent : une narration erratique, à la limite du destructuré ; des personnages un peu paumés, en marge de la société, réunis par la force du hasard... ou du destin ; un réel auquel on ne peut pas faire confiance, changeant, mouvant... mais pour le coup, d’une manière bien plus extrême ; notre rapport à l’information, au langage. Et, également, la drogue, même si cette fois elle est utilisé, non pas pour accéder à une autre réalité, mais simplement pour redonner consistance au réel.

 

Mais, si Descendre en marche est indéniablement un roman de Jeff Noon, les différences avec ses livres précédents sont flagrantes et nous propose une toute autre expérience de lecture. Le format "road movie" déjà, qui nous fait parcourir l’Angleterre à bord d’une voiture à peine en état de rouler. On assiste ainsi à une succession de scènes surréalistes, de situations incroyables, à mesure que le groupe se dirige vers le sud et s’enfonce un peu plus loin dans la folie... le tout accentué par la narration qui se désagrège en parallèle. Mélangeant réel, rêves, passé, souvenirs, fantasmes, le journal de Malène nous plonge dans l’esprit tourmenté d’une femme à la recherche de réponses, sur son identité, sur le drame qu’elle a vécu, sur le monde qui l’entoure. Difficile, dans un pays où les mots perdent leur sens, de démêler la part de vrai dans ce que nous raconte l’héroïne. Mais au fond, cela n’a aucune importance. On se laisse porter, au grès des mots et au grès des kilomètres par l’étrange quête de ce quatuor invraisemblable.

 

L’autre différence c’est le ton employé. Dès la première page, on plonge dans une douce mélancolie parfois sublime, parfois étouffante mais toujours nécessaire. On sent que Marlène est à fleur de peau et la narration, très calme, tout en pudeur, apporte une vraie profondeur au personnage comme à l’histoire. L’écriture est beaucoup moins survoltée que dans les précédents écrits de l’auteur mais ce changement de ton est tout aussi maîtrisé.

 

Lire un roman de Jeff Noon est toujours une expérience de lecture à part. Qu’on adore ou qu’on déteste, certaines scènes restent gravées pour longtemps dans l’esprit, continuant de hanter le lecteur bien après qu’il ait tourné la dernière page. On pense évidemment au merveilleux épisode du Musée des choses fragiles, où les mots s’effacent des pages des livres dès qu’ils sont lus. Ou encore la visite dans cet étrange théâtre où tout semble recommencer encore et encore. C’est précisément le genre de roman que l’on peut lire encore et encore et s’étonner à chaque fois d’un détail, d’une phrase qui nous aurait échappé, tant la langue, le récit sont riches.

 

De part son ton plus calme et son histoire plus classique (difficile néanmoins d’associer cet adjectif avec un livre de Jeff Noon, car s’il y a bien une constante dans son oeuvre c’est que les choses ne sont jamais ce qu’elles semblent être), Descendre en marche est certainement une bonne porte d’entrée pour ceux souhaitant s’essayer à la prose inimitable de l’écrivain anglais. Alors certes, la construction chaotique pourra en rebuter plus d’un mais le voyage vaut la peine que l’on s’y attarde.

 

Quant aux autres, ceux déjà acquis à la cause Noon, s’ils pourraient être surpris, ils ne devraient pas être déçu. On reste après tout en terrain familier...

 

Pour terminer, ne manquons pas de saluer le travail de La Volte qui a permis la remise en lumière de cet auteur talentueux et ô combien singulier. Et de leur poser la question fatidique : à quand le prochain Jeff Noon ?

 

Marie Marquez

 

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 11:48

Un bien beau Brandon Sanderson tout d’abord : Warbreaker est un roman aux proportions impressionnantes, un one-shot qui peut ouvrir sur des continuations (deux des personnages s’éloignant vers de nouvelles aventures dans l’épilogue). En 500 pages très denses, le petit génie américain, qui m’avait un peu perdu avec le cycle Fils des Brumes, démontre à nouveau sa capacité à mener de front une intrigue passionnante, pleine de rebondissements, et la présentation convaincante et précise d’un monde très original. On part du petit royaume montagnard et austère d’Idriss à la suite des héroïnes, deux sœurs que tout oppose, Vivenna l’héritière qui contrôle parfaitement ses émotions, et l’insouciante Siri éprise de liberté. Quand le roi leur père décide d’envoyer Siri à la place de Vivenna honorer un traité ancien en épousant le mythique Dieu-Roi de la puissance rivale Hallandren, tout bascule – ce qu’on va découvrir est en effet aux antipodes de ce point de départ, dans un principe de renouvellement permanent qui fait la grande force de l’ouvrage. On va de surprise en surprise, jusqu’à un dénouement un peu précipité peut-être. Le dénuement volontaire d’Idriss s’oppose à l’opulence exubérante d’Hallandren, où les Dieux sont des êtres vivants, rappelés après leur mort, investis de plus de Souffle biochromatique que les humains. Le système de magie est très travaillé, comme toujours chez Sanderson, autour de ces deux idées du Souffle (qui confère en quelque sorte plus de vie, un « Éveil » supplémentaire), et des Couleurs (seul le Dieu-Roi atteint le pouvoir de décomposition prismatique) – on pense d’ailleurs à deux bons romans de l’an dernier, la Chronique du Soupir de Mathieu Gaborit, et Le Prisme Noir de Brent Weeks ! Quant aux deux jeunes femmes, elles vont révéler des ressources insoupçonnées, évoluant profondément par rapport à leurs personnalités de départ : Siri enfermée dans un palais somptueux, cherchant à déjouer un complot à la cour des Dieux, Vivenna aux prises avec les dangers de la rue, alliée à une troupe de mercenaires très bien campés. Mention spéciale également à Chanteflamme le Hardi, Dieu à la recherche de lui-même, qui ne se départit jamais de son humour cynique.

Il est difficile de donner une idée complète de la richesse de l’ouvrage sans en dévoiler trop non plus sur les retournements de situations : lecture conseillée en tout cas, sans doute le meilleur roman traduit depuis la rentrée.

 

Anne Besson

 

SITE : ActuSF

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