Les romans sur les Templiers, les Cathares, le Vatican et autres bondieuseries souvent médiévales, je m’en méfie : « encore… » est ma première réaction. « Les derniers parfaits » n’a donc pas échappé à ce réflexe, avant que je n’entame une lecture qui fut difficile sur un point : la police de caractère choisie est microscopique. Ça peut ressembler à un détail, mais ça ne l’est pas à mes yeux fatigués. Résultat : j’ai haché ma lecture afin de les soulager, ce qui n’est pas un avantage. Je l’ai cependant appréciée, essentiellement pour son originalité.
C’est que Paul Beorn plonge son lecteur dans un contexte historique assez déconcertant. Trois hommes et une femme enchainés parviennent à échapper aux soldats qui les utilisent comme esclaves, mais pas à se détacher. Ils ne peuvent donc se déplacer qu’ensemble, et réfléchir ensemble à la meilleure façon de feinter l’ennemi. C’est-à-dire les catharis, autrement dits Albigeois, qui font régner l’ordre par la terreur religieuse sur toute l’Occitanie. Et là, le lecteur se dit tiens, je croyais que les cathares, c’étaient les gentils de l’Histoire, les opprimés… Eh bien non. Si au départ ces Cathares étaient effectivement bons et tolérants, ils se sont transformés en bourreau un siècle plus tôt en faisant un pacte avec des créatures maléfiques censées protéger leurs dernières forteresses des croisés. Ils ont ainsi acquis beaucoup de puissance, leur religion s’est institutionnalisée au point d’en devenir à son tour oppressive.
Nos quatre héros enchaînés sont dans une large mesure victimes des catharis. Mousse, la jeune femme, est depuis l’enfance à la recherche du sanctuaire de Mala Pugna, ville mythique disparue lors de la Grande Catastrophe qui libéra la magie et engloutit sous les eux une bonne partie de l’Europe. Elle veut trouver des « malefica », objets recelant l’antique magie de l’Empire premier. Cristo, d’origine roturière, a l’héroïsme dans le sang et court sans fin au devant du danger pour secourir la veuve et l’orphelin. Il deviendra d’ailleurs le sauveur, celui qui avec une poignée de femmes parviendra à libérer une inexpugnable forteresse devant laquelle une armée de cinq cents soldats s’est cassé les dents… Parce que oui, place est faite à l’action, aux rebondissements sans souci permanent de la cohérence. « Les derniers parfaits » s’inscrit dans la tradition des grands romans d’aventure et de fantasy, se démarquant de ses semblables par une attention minutieuse portée au contexte. La réutilisation du matériau historique est précise et surprend agréablement le lecteur, par l’étendue et l’intelligence des divergences imaginées. De nombreuses trouvailles originales parsèment le roman, comme la religion du Dieu-compagnon, celle des Francs (au Nord), qui octroie à chacun une part de magie animale.
Sans être excessivement originaux, les personnages sont sans nul doute hauts en couleur, comme il se doit dans ce genre de roman. Ils cachent bien des mystères concernant leur identité, sciemment ou non, ce qui fait partie des rebondissements de l’intrigue qui n’en manque pas.
Autant d’ingrédients qui font de ce roman un bon divertissement, original et rythmé dans un univers sombre et dense.
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