Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 18:21

Après Haïti au début des années 2000 dans Tonton Clarinette, puis le Miami du début des années 80 dans Voodoo Land, Nick Stone nous invite à suivre de nouveau son privé torturé, Max Mingus. Cette fois, ce sera à Cuba en 2008, à la veille de l’élection de Barack Obama.

 

Alors qu’il a fini par se résoudre, pour survivre, à traiter des affaires sur lesquelles son amour propre lui interdisait jusqu’alors de se pencher – divorces et adultères – Max Mingus apprend que son ancien mentor, le flic pourri Eldon Burns s’est fait abattre. Son meilleur ami, Joe Liston, suit peut de temps après. Tout indique que Vanetta Brown activiste noire des années 1960 recherchée pour meurtre et réfugiée à Cuba serait derrière ces deux meurtres. Contraint par un agent fédéral avide de vengeance, Mingus se retrouve bien vite à la Havane, sur les traces de l’invisible Vanetta Brown.

 

 Le charme des deux précédents romans de ce qui était annoncé par Stone comme une trilogie résidait en grande partie, outre le personnage attachant et ambigu de Mingus (« Max n’était pas intègre. Ce n’était pas la prison qui l’avait détruit. Ni la mort de sa femme. Mais ce qui avait suivi – le bordel qu’il avait foutu dans sa propre existence. Le destin lui avait tracé une ligne et il en avait fait un nœud coulant. »), dans sa capacité à déchirer les mythes et les cartes postales des destinations vers lesquelles ils nous entrainait. Non pas pour nous montrer la réalité, mais pour recréer des mythes en nous servant une face encore plus noire de la réalité baignée de fantastique. Cuba Libre ne déroge pas à la règle. Le paradis socialiste (et touristique) des Caraïbes devient sous la plume de Nick Stone un enfer sans doute plus proche de la réalité quotidienne des Cubains en même temps qu’un drôle de voyage dans une autre dimension où la manipulation le dispute à la paranoïa. Tout ici n’est qu’un vaste décor de carton pâte dissimulant d’autres décors tout aussi factices et, naviguant au milieu de cet univers de faux-semblant, Max Mingus tente d’extraire un soupçon de vérité et de réel avec, malgré la vieillesse qui le guette, la détermination d’un taureau fonçant vers la muleta.

 

Car, on le sent bien, quelqu’un agite le chiffon rouge devant Mingus et le manipule par personnes interposées. Joue avec cette formidable capacité d’autodestruction compensée par une envie désespérée de vivre qui le caractérise. Reste à savoir qui et pourquoi.

 

Les lecteurs des deux précédents volumes soupçonneront bien sûr un personnage en particulier même s’il demeure invisible. Le talent de Nick Stone tient pour beaucoup à cette manière qu’il a de faire planer une ombre inquiétante sur son roman, à tresser une intrigue retorse, certes, mais qui n’est que le canevas sur lequel il vient coudre quelques points, ici ou là, qui éveillent l’attention et la tension chez le lecteur qui pressent constamment qu’un drame va avoir lieu. De fait, il a parfois lieu. Et d’autre fois pas.

 

Cette maîtrise dans la structure du roman, cette facilité avec laquelle Stone déroule son histoire et y accroche le lecteur jusqu’à un dénouement aussi inattendu que prévisible (hé, oui ! Et même parfois un peu aidé par d’heureuses coïncidences que l’on pardonnera à l’auteur) font qu’il a réussi à s’imposer en l’espace de trois romans comme un auteur incontournable dans le genre noir. Et l’on attend déjà avec impatience de voir comment, après cette trilogie réussie, il va rebondir et, on l’espère, nous surprendre avec ses nouveaux écrits.

 

Site : Encore du noir

Partager cet article
Repost0
11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 17:39

Fin Macleod a quitté la police et s'est mis au service d'un gros propriétaire terrien. Sa mission : traquer les braconniers et, si possible, le plus gros d'entre eux : Whistler Macaskill. Mais Macleod est gêné dans sa mission car Whistler lui a sauvé la vie à plusieurs reprises. Alors qu'il s'est lancé sur la piste de son vieil ami sous un orage à ne pas mettre un Écossais dehors, ils font la découverte de l'épave d'un avion au milieu d'un lac. Il reste un cadavre à l'intérieur : Roddy Mackenzie, leader du groupe de musique celtique Amran, pour lequel Fin fut roadie et Whistler flûtiste. Dès lors, sous l'apparence des éléments, un flot de souvenirs va remuer la mémoire de Fin.

 

Le braconnier du lac perdu est le troisième et dernier tome de la Trilogie de Lewis. Autant j'avais vraiment aimé voire adoré L'île des chasseurs d'oiseaux et L'homme de Lewis autant je dois avouer que je suis déçu pour cet ultime volume. L'enquête pour déterminer l'identité du pilote de l'avion est plutôt creuse et s'appuie sur quelques coïncidences. Dans l'esprit, on est plus proche d'un roman noir que d'un roman d'enquête. L'essentiel de ce roman mélancolique repose, bien plus que les deux précédents, sur les souvenirs de Macleod et certains chapitres liés à cette époque souffrent de certaines longueurs.

Heureusement, il y a l'écriture de Peter May. Elle reste limpide, fluide et permet de s'accrocher à l'intrigue ténue. Une trilogie qui se finit donc difficilement mais qui, dans l'ensemble, m'a plutôt satisfait malgré un troisième assez déroutant.

 

 

Site : Roman policier blog spot

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 

Après l’île des chasseurs d’oiseaux, et l’homme de Lewis, voici enfin, le braconnier du lac perdu, le troisième roman tant attendu de la trilogie de Peter May, mettant en scène l’ex flic Fin Macleod, à la croisée des chemins après un drame personnel, de retour dans son île écossaise natale.

 

La couverture est d’ailleurs la plus réussie des trois, ce qui est toujours agréable... mais voilà, il faut bien avouer que nous appréhendions de lire ce roman. Imaginons qu’il ne soit pas à la hauteur de nos attentes, que ce dernier opus retombe un peu comme un soufflé, qu’il soit décevant ou... que l’atmosphère si particulière et si semblable dans les volumes un et deux (même si les intrigues sont très différentes), ne soit pas aussi impressionnante. Heureusement, nous sommes rapidement rassurés : Peter May retrouve non seulement le souffle, mais aussi ce ton si singulier, entre la fascination et le rejet, la nostalgie et la douleur, la haine et l’amour, soit un maelström de sentiments, des thèmes universels qu’il semble affectionner.

 

Ce final est celui des amitiés trouvées puis rejetées, des amours ébauchés, ratés, perdus du temps de l’adolescence, qui soudain reviennent vagues après vagues, dont la profondeur nous touche en plein coeur. Fin affrontera enfin ce qu’il avait fui, d’explications en réconciliation, de questions en confrontations, avec ces flash-back entre le passé et le présent. L’auteur joue parfaitement la carte de la première ou de la troisième personne, suivant un rythme parfaitement maîtrisé, soit lorsqu’il faut du recul pour raconter les évènements, ou encore les vivre au plus proche, tout en ressenti. Les personnages sont toujours aussi charismatiques, crépusculaires, aux personnalités fortes à l’aura tragique... violence et cruauté apparente mais si profondément humains ! Et bien-sur, il y a cet arrière-plan impressionnant et majestueux, cette île battue par les tempêtes qui dévastent tout sur leur passage à l’image des rebondissements.

 

Bon d’accord, il s’agit d’une trilogie, mais ne pourrait-on pas en avoir un petit en plus, un quatrième... Vous avez envie de quitter cette île, vous ? L’écriture de Peter May remplace avantageusement n’importe quelle brochure ou même photographie du syndicat d’initiative écossais ! Trêve de plaisanterie, ce roman est tout simplement magnifique...

 

Site : Blue moon

Partager cet article
Repost0
11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 17:15

Aurora, Minnesota. Charlotte Kane, la fille d’une des familles les plus riches de la ville disparaît le soir du Nouvel An. Toutes les recherches restent vaines. Quelques mois plus tard, lors de la fonte des neiges, on retrouve son corps. Son petit ami, Winter Moon, un Indien de la réserve Ojibwe, soupçonné de l’avoir assassinée, s’enfuit, ce qui accrédite la thèse de sa culpabilité. L’ex-shérif Corcoran « Cork » O’Connor, persuadé de l’innocence du jeune homme, redoute le besoin de vengeance de la famille Kane, et craint une flambée de violence envers les Indiens de la part des habitants les plus réactionnaires de la ville. Quand Winter Moon se livre contre toute attente aux autorités, des événements étranges et inexplicables commencent à se produire, qui vont bientôt bouleverser la vie paisible de la petite communauté, dont la surface tranquille cache des eaux bien plus troubles qu’on ne le pense.

 

Avis de Marnie

 

Quelle formidable histoire à l’atmosphère prenante... qui ne nous donne qu’une seule envie, aller visiter cette partie moins "touristique" des Etats-Unis, les immensités enneigées du Minnesota, pas très loin des twin cities : Minneapolis et Saint-Paul... d’immenses forêts qui s’étendent sur les centaines de kilomètres qui sépare les Etats-Unis du Canada, une nature fortement imprégnée par la culture amérindienne.

 

Ce magnifique et impressionnant décor constitue même un personnage à part entière de l’histoire, tant il influence le comportement des uns et des autres, tout en imprégnant de façon captivante la fameuse " petite ville américaine" que l’on apprécie tant de retrouver dans ces polars américains. William Kent Krueger réussit le tour de force de mêler action et réflexion... réflexion même sur plusieurs niveaux, sur le bien, le mal, les croyances ancestrales, la force intérieure, l’amour, la haine... et surtout une évolution théologique particulièrement captivante.

 

Nous voici donc dans l’Amérique de Fargo, le film des frères Coen... avec ces gens simples, frustres, qui survivent juste assez pour nourrir leur famille, où les adolescents travaillent pour gagner leur argent de poche, où la plupart des habitants sont des protestants ou des catholiques pratiquants, où les enseignants sont aussi des entraîneurs sportifs parce qu’il n’y a pas assez d’argent pour créer des complexes sportifs, où les notables doivent aider la communauté. Entraide n’est vraiment pas un vain mot. En arrière-plan, il existe toujours un certain racisme contre les amérindiens mêlés d’envie, puisque les casinos ont sorti les réserves de la misère...

 

Notre héros est aussi un anti-héros : Corcoran "Cork" O’Connor est un vendeur de burgers et survit gentiment en nourrissant à la sortie de la ville les habitants et les touristes à la saison de la pêche. Ancien shérif d’Aurora, traumatisé par des évènements dramatiques survenus trois ans auparavant, il privilégie une existence dévouée à sa famille et à ses amis, tout en donnant quelques coups de mains aux uns et aux autres. Nuancé, évolutif, aussi équilibré qu’il peut se révéler fragilisé, en constante remise en question, Cork est profondément attachant. Plongé soudain au cœur d’une enquête qui va l’atteindre dans ce qu’il a de plus cher, le voici en chemin de se trouver lui-même.

 

L’ensemble est superbement bien amené, où les sentiments extrêmes des uns et des autres se mêlent alors dans une certaine harmonie... où les dialogues sonnent parfaitement justes alors que l’on s’interroge sur le sens de la vie, l’amour filial, la place de Dieu dans tout cela, et la progression de l’enquête, aux péripéties loin d’être aussi attendues que l’on pourrait le penser. La grande réussite de Krueger c’est que l’on ne s’ennuie pas une seconde. Nous nous laissons totalement dépaysés par cette ambiance toute en contraste, que l’on devine blanche et calme pendant des mois puis tragiquement agressée par les blizzards, la nature majestueuse, les ouragans inexplicables, entre violence et silence !

 

A quand les autres enquêtes de Cork ? Parce que... les trois précédentes semblent avoir été traduites chez différents éditeurs, qu’il s’agit ici du quatrième volume et qu’il en existe onze à ce jour !

 

Site : Blue moon

Partager cet article
Repost0
11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 16:24

En 1930, malgré un passé chaotique, le Dr Everett Seeley a décroché un poste pour une société basée au Mexique. Il a installé son épouse, plus jeune que lui, dans un meublé à Phoenix (Arizona). Marion Seeley est engagée comme secrétaire dans une clinique. ABBOTT-2013La fringante infirmière Louise Mercer ne tarde pas à sympathiser avec la nouvelle employée. Elle l'invite dans le petit logement qu'elle occupe avec la blonde Virginia Hoyt, dite Ginny. Tuberculeuse, celle-ci a besoin de traitements. C'est coûteux, mais Louise ne semble pas embarrassée pour trouver l'argent. D'ailleurs, Marion est bientôt invitée aux fêtes que le duo de femmes organisent chez elles. On y côtoie du beau monde, généreux avec Louise et Ginny. De gros consommateurs d'alcool, malgré la Prohibition. Marion meuble sa solitude en devenant une habituée de ces soirées, finissant par boire aussi de l'alcool.

 

Le soir du réveillon, c'est les bras chargés de cadeaux que Joe Lanigan se joint à ses amis fêtards. Homme d'affaires possédant plusieurs pharmacies, marié à une épouse malade, père de famille allant à la messe, membre de la Chambre de Commerce et autres clubs locaux, Gentleman Joe est un notable de Phoenix. Charismatique, ce séducteur remarque très rapidement la belle Marion. Bien difficile pour la jeune femme vivant en solitaire de résister, quand Joe l'invite au restaurant et se montre attentionné. Son docteur de mari se montre plutôt paternel, protecteur. Alors que Lanigan exprime la légèreté et la sensualité, la réussite et l'aisance financière. Bien que Marion se traite de pécheresse, sa fiévreuse attirance pour Joe Lanigan est de plus en plus intense. Ils finissent par devenir amants. La jeune femme se teint en blonde platine, chevelure plus conforme à sa vie actuelle.

 

Marion n'éprouve aucun remords à tromper son mari. Elle regrette que Joe ne soit pas entièrement à elle, qu'il soit pris par ses affaires, son épouse souffrante. Par d'autres femmes, aussi. Pas seulement Louise et Ginny. La nouvelle infirmière de dix-neuf ans, Elsie Nettle, est une proie toute désignée pour Joe. C'est lui qui possède Marion, et pas l'inverse. L'ombre de la jalousie commence à planer sur la jeune femme. Le duo Louise-Ginny a un urgent besoin d'argent, depuis qu'elles sont délaissées par Joe Lanigan. Elles ont vendu, ou mis en dépôt, bon nombre d'objets pour quelques sous. Les fêtards viennent moins chez elles, également. La tension monte entre Louise et Marion, avant que Ginny ne s'en mêle. Après des faits quasiment inévitables, Joe promet d'aider son amante. Marion réalise vite qu'elle doit se sortir seule de cette situation hautement dangereuse...

 

 Après «Red Room Lounge», «Adieu Gloria», «Absente», «La fin de l'innocence» et «Envoûtée», une conclusion s'impose : aucun titre mineur dans l'œuvre de Megan Abbott. Cette fois encore, les portraits sont d'une admirable subtilité, la psychologie de chacun des personnages apparaît parfaitement juste, et l'intrigue est calibrée avec précision. Par exemple, la troisième partie du récit (consacrée à Elsie) n'est pas là que pour confirmer l'emprise séductrice de Joe. De même, l'exilé Dr Everett Seeley ne fait pas uniquement de la figuration dans cette affaire. Pas plus qu'Abner Worth, patron des abattoirs Worth Brothers, un des fêtards de chez Louise et Ginny. Tout est ici maîtrisé, sans faute.

 

Quant au contexte, l'Amérique de 1930, on n'a pas de mal à l'imaginer. L'auteure nous la décrit par des détails significatifs, sans s'appesantir inutilement. À nous de nous souvenir qu'on est en pleine Prohibition, que les traditions religieuses restent fortes, qu'un notable d'alors est rarement inquiété longtemps, ou que le poids des journaux influe sur l'opinion publique. S'il y a effectivement une enquête criminelle, on nous fait comprendre pourquoi les policiers sont peu à la hauteur. Pourtant, ils ne manquent ni de témoins, ni de preuves. L'histoire s'inspirant d'un faits divers réel, la romancière nous explique ensuite comment elle a procédé. La fiction est plus excitante que le cas d'origine, même si la vraie coupable fut singulière. Envoûtés, nous le sommes par ce noir suspense de qualité supérieure.

 

Site : Action suspens

Partager cet article
Repost0
11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 16:15

Certes, le dernier Dennis Lehane Moonlight Mile n’était pas un de ses meilleurs, et certainement pas du niveau de Ténèbres, prenez-moi la main ou Gone, baby Gone (mais quand même mieux que tous les millenium du monde, ou que n’importe quel serial killer de supermarché ou que … bref) … Du coup, on en a entendu dire, d’un air faussement navré, qu’il était en perte de vitesse, qu’il n’avait plus d’inspiration ... Pan sur le bec ! Dennis Lehane est un géant, il le prouve une fois de plus avec Ils vivent la nuit.

 

1926, Boston. Vous vous souvenez sans doute de la grève des flics de 1919. Celle qui se termina en chaos total. Alors vous avez en tête la famille Coughlin, dont le père est un des flics en vue de la ville. On avait suivi Danny, l’un des fils. En 26, il a du souci à se faire avec un autre fils, son plus jeune, Joe, qui est passé en face, chez les vendeurs de gnole.

Nous sommes en pleine prohibition, l’âge d’or des truands, et Joe travaille pour l’un d’eux. Jusqu’à ce qu’il tombe amoureux d’Emma Gloud, maîtresse d’un des caïds de la ville. Son destin est tracé. Il fera de la prison, sortira lieutenant de la mafia italienne et continuera sa route, jusqu’à la Floride et Cuba. Une route faite de trahisons, d’amours, d’amitiés, de luttes. Une route qui épousera l’Histoire américaine au travers de l’Histoire du crime.

 

Ce qui frappe dans un premier temps c’est le talent d’accroche de Dennis Lehane : Dès la première phrase on est immergé dans le bouquin, et on ne le lâche plus, pendant plus de cinq cent pages (que j’ai dévorées en deux jours, au détriment de la famille, du sommeil et grâce il faut l’avouer à un week-end particulièrement pluvieux). On connaissait déjà son talent à créer des personnages auxquels on s’attache, à leur donner consistance, à faire claquer les dialogues et à tendre son récit. Et bien il n’a rien perdu de ce talent, bien au contraire.

 

Dennis Lehane est donc un grand conteur. Qui revient ici aux sources du genre : la grande époque de la prohibition, les gangsters en chaussures bicolores, les Thompson sous le bras, la mafia, Lucky Luciano, règlements de compte, flics pourris, livraisons d’alcool, speakeasy … Bref les origines, les images, les lieux, les situations que tout amateur de polar connaît par cœur. Avec, également une construction on ne peut plus classique : ascension et décadence d’un truand.

 

Et malgré cela, il arrive à nous embarquer dans son histoire, à nous passionner, et même à nous surprendre. Par le souffle qui anime son récit, par la familiarité immédiate avec les personnages, par la limpidité de son écriture et de sa construction qui, comme chez les meilleurs Elmore Leonard, donne l’impression que ce doit être facile d’écrire comme ça, puisque c’est si facile et évident à lire. Impression ô combien trompeuse !

 

Là encore, chapeau l’artiste.

 

Pour finir, on peut venir me raconter que Dennis Lehane a écrit, « par hasard » aujourd’hui, une histoire vieille de plus de 80 ans, sur une époque où le monde vit une crise majeure et où les ouvriers sont jetés à la rue. On peut venir me dire que je vois des intentions là où il n’y en a pas quand il fait dire à Joe Coughlin au moment où il est en prison :

 

« Un usurier casse la jambe d’un type qui n’a pas remboursé ses dettes, un banquier en expulse un autre de chez lui pour la même raison, mais pour toi c’est pas pareil – comme si le banquier se contentait de faire son boulot alors que l’usurier est un criminel. Moi je préfère l’usurier : lui, au moins, il assume ce qu’il est. Quant au banquier, je pense sincèrement qu’il devrait se trouver à ma place. »

 

On peut me dire tout ça, mais je ne suis pas obligé d’être d’accord.

 

Je ne pense pas que le choix de traiter du maccarthisme et de la paranoïa dans le magistral Shutter Island, juste au moment de la mise en place du « Patriot Act » était innocent, je ne pense pas davantage que le choix de la période et du point de vue adoptés ici, justement aujourd’hui, le soit. C’est parfois en nous parlant du passé que les grands romanciers nous parlent le mieux du présent, et de ses risques. Et Dennis Lehane est assurément un grand romancier.

 

Site : actu du noir

Partager cet article
Repost0
11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 16:08

En Angleterre, dans le parc national d'Exmoor, autour du village de Shipcott, on a déjà vécu des affaires meurtrières. L'agent de police Jonas Holly reste suivi par une psy, depuis que son épouse a été assassinée, l'année précédente. L'inspecteur Reynolds n'est pas pressé de voir Jonas reprendre du service. BAUER-2013-FleuveAvec sa collègue Elisabeth Rice, il vont devoir revenir enquêter dans ce secteur dont Reynolds apprécie modérément les habitants. Âgée de treize ans, Jess Took a disparu en forêt, attendant son père qui pratique la chasse à courre. Il s'agit plus certainement d'un kidnapping que d'une fugue, le ravisseur ayant laissé un message écrit : Vous ne l'aimez pas. Il est vrai que John Took n'est pas des plus sympathiques. Endetté, il se peut qu'il compte quelques ennemis, ce que les deux policiers vont vérifier. Un deuxième rapt se produit peu après sur un parking. Pete Knox, neuf ans, attendait ses parents dans leur voiture. Le même message a été laissé à la place du petit Pete. Après cet autre enlèvement, Reynolds doit prendre l'affaire encore plus au sérieux.

 

Steven Lamb a dix-sept ans. Il habite avec sa mère, sa grand-mère, et son jeune frère Davey. Ce dernier va fréquemment jouer avec son copain Shane dans des endroits qu'on leur a interdit d'explorer. Steven éprouve une vive suspicion envers Jonas Holly. Il a connu son épouse, qui semblait malheureuse, et pense que l'agent de police l'a assassinée. Par ailleurs, Steven découvre l'amour. Si la jeune Emily attire d'autres élèves de leur classe, des garçons peu malins, elle leur préfère Steven. Elle va l'initier au monde du cheval, sa passion... La psy qui traite le cas de Jonas Holly n'exclut pas des réactions violentes de sa part. Ce qui ne l'empêche pas de signer pour qu'il reprenne son poste. Elle hésite à parler de ses doutes à Reynolds. Ce dernier organise une battue pour retrouver les enfants, qui dure trois jours et mobilise plus de cent personnes, dont les habitants des environs. Jonas Holly y participe, ayant repris ses fonctions. Malgré ces gros moyens, on ne repère aucune trace de Jess Took ou de Pete Knox.

 

C'est à l'occasion d'un salon du cheval que Charlie Peach, enfant handicapé est à son tour enlevé. Comme Steven et Emily, Jonas est sur les lieux, mais sans doute est-il déjà trop tard pour retrouver le gamin. L'agent remarque que des vitres de voitures ont été cassées autour du lieu du rapt. Enquêtant, chez les propriétaires des véhicules, il comprend le sens de ces effractions, pas leur finalité. Le quatrième enlèvement est double : Maisie et Kylie sont kidnappées dans leur bus scolaire, le chauffeur s'étant absenté. Reynolds et Elisabeth Rice y voient un acte évidemment prémédité. L'association de parents des jeunes victimes n'est que l'occasion pour John Took de s'afficher. Davey Lamb, frère de Steven, et son copain Shane s'imaginent capables de piéger le ravisseur. Ces deux garnements n'ont-ils pas déjà trouvé des gros billets de banque, avec lesquels ils jouent. Steven voudrait parler à Elisabeth Rice de ses soupçons sur la culpabilité de Jonas, mais reste vague. Tandis que Davey frôle le kidnapping, Jonas Holly et Steven risquent de se mettre en danger...

 

 Pour tout lecteur, il est bon de se laisser guider par la curiosité. Bien qu'elle ait déjà publié deux titres («Sous les bruyères» en 2010, et «L'Appel des ombres» en 2012), on connaît encore mal Belinda Bauer. Eh bien, il est temps de s'intéresser de près à ses romans. Car c'est une excellente surprise qui nous attend. La campagne anglaise, ses villages typiques et ses énigmes héritées d'Agatha Christie ? BAUER-2013-pocheNon, sans dénigrer la pionnière, les ambiances et les portraits sont ici bien plus fouillés. À l'exemple de Steven et de son jeune frère, qui vivent effectivement des expériences de leur âge. Ou de la psy Kate Gulliver, si incertaine sur l'état mental de son patient, comme on devrait l'être dans ces cas-là.

 

Quant à la «ruralité» du contexte, elle montre réellement l'Angleterre non-citadine. Mais, au lieu d'un quotidien logiquement sans histoire, on s'y attaque à des enfants. La bonne interrogation est : dans quel but, quel travers psychologique anime le ravisseur, plutôt que de vouloir l'identifier formellement. Ce qui fait planer le mystère, présent sans la moindre lourdeur. Bien qu'il y ait enquête policière, avec Reynolds (et ses implants capillaires) ou Elisabeth Rice (quelque peu maladroite), c'est le fascinant tableau d'ensemble de Shipcott et des environs qui donne le ton de ce suspense subtil. Une très belle réussite.

 

Site : Action suspens

 

Partager cet article
Repost0
11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 15:45

1148, Nord est de la France. Malachie, archevêque d'Armagh et légat d’Irlande, meurt dans les bras de Bernard de Clairvaux, père spirituel des Templiers. Il laisse derrière lui un texte ésotérique, la fameuse Prophétie des papes, dans laquelle il énumère 111 devises qui s’appliqueront aux 111 papes successeurs de Célestin II (1143-1144). Selon lui, le 112e pape sera le dernier. 2013, Rome. Après la mort du pape, 111e successeur de Célestin II, un conclave se tient au Vatican. Au même moment, une étonnante découverte dans les catacombes romaines, liée aux premières heures du christianisme, risque de remettre en question les fondements mêmes de l’Église. Elisabetta Celestino, une jeune et brillante archéologue devenue nonne, se retrouve malgré elle au cœur du secret. Et c’est au péril de sa vie qu’elle va devoir tenter de déjouer une conspiration millénaire, ourdie par une mystérieuse confrérie occulte. De la Rome du 1er siècle après Jésus-Christ à l’Europe contemporaine, en passant par l’Angleterre élisabéthaine du célèbre astronome et occultiste John Dee, Glenn Cooper nous propose, avec ce thriller ésotérique érudit au suspense omniprésent, une fascinante traversée de l’histoire de l’Église. Il y aborde en particulier les énigmes de la fameuse prophétie de Malachie, d’autant plus d’actualité que le pape actuel, Benoit XVI, est le 111e successeur de Célestin II.

 

Site : Thrilleroverblog

 

 

 

Partager cet article
Repost0
9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 16:49

Meet Aaron Tucker. Journaliste, auteur et reporter free-lance spécialisé dans les lecteurs de DVD, la quarantaine rondouillette, marié à une avocate qui fait bouillir la marmite, deux enfants, dont un adolescent Asperger (une forme d autisme). Bref, un homme presque « au foyer » qui, entre deux lessives, tente de réaliser son rêve : écrire et vendre ses scénarios de sitcom à Hollywood.

 

Sa vieille amie Lori, qui s occupe d une association de soutien aux familles d enfants atteints du syndrome d Asperger, lui demande de l’aider à innocenter un des ses jeunes protégés, Justin, accusé du meurtre du riche homme d affaires Michael Huston. Le hic, c’est qu’on a retrouvé l’arme du crime chez lui et qu il a avoué. Bref, Aaron ne voit pas trop ce qu il peut faire, d’autant plus qu il doit retravailler son scénario et accueillir son horrible belle-famille pour les fêtes de fin d’année.

 

Quand la mafia locale digne des Sopranos s en mêle, les événements prennent une autre tournure. Pour se sortir de cette situation loufoque, Aaron dispose d un seul témoin : le chien de feu Michael Huston, Dalma, un dalmatien caractériel à l’intelligence canine limitée...

 

Avis de Marnie

 

Ce qui est vraiment génial avec ce roman c’est qu’il sent énormément le vécu. Vous apercevez la photo de Jeffrey Cohen et vous comprenez instantanément que Aaron Tucker, c’est lui, surtout que leur parcours professionnel et personnel est identique ! Son propre fils a la maladie d’Asperger (une forme atténuée d’autisme), il a ainsi écrit plusieurs livres sur la question dont celui-ci en 2002, qui semble faire l’unanimité : The Asperger Parent : How to Raise a Child with Asperger Syndrome and Maintain Your Sense of Humor (Comment élever un enfant atteint du syndrome d’Asperger tout en gardant son sens de l’humour). Lori dont il est question sur la quatrième de couverture est une personne réelle... Même si l’intrigue est évidemment imaginée, le quotidien est totalement ancré dans la réalité.

 

J’ignore qui a osé écrire en fin de quatrième de couverture que l’univers évoqué est celui de la série Desesperate housewives, ce qui est totalement erroné mais en dit long sur l’absence quelque peu malheureuse d’explications ou notes de fins de pages sur les références qui foisonnent dans ce livre. Ecrit en 2005, par un homme qui a passé ses quarante ans, le roman est totalement imprégné de l’humour juif (pas new-yorkais, donc ce n’est pas Woody Allen ici) mais du New Jersey (lointaine banlieue de New York), disons plutôt les premiers films de Mel Brooks, avec tendresse, chaleur et émotion.

 

Ainsi, le mot "juif" est prononcé presque toutes les pages, notre héros tentant d’expliquer à chaque fois ses saillies pleines de dérision. Donc la traduction de mots en yiddish aurait été bienvenue. Ainsi "shiksa" vous ait lancé en plein visage, et en hébreu signifie une femme non juive... seulement ce mot employé par les juifs d’origine polonaise (comme notre héros) soit en yiddish est en fait un terme très péjoratif, une sorte de "moins que rien" tentatrice qui détournent les "bons juifs" du droit chemin.

 

Vous adorerez comme moi les nombreuses envolées de Aaron telle que celle-ci : « D’abord, je suis agnostique. Ce qui veut dire que je ne crois pas en Dieu, mais que j’ai peur de le dire à voix haute au cas où il m’écouterait. » Hormis tout le folklore, la dérision et le ton constamment ironique de notre héros, toute la partie "famille", amis et quotidien est franchement jubilatoire et réjouissante. Comme si cela ne suffisait pas, il faut souligner que la partie intrigue est très réussie, avec plusieurs histoires en même temps, du rythme et une résolution de l’affaire pas si évidente que cela...

 

Le talent de Jeffrey Cohen est de savoir jouer avec les clichés en les rendant si attachants que l’on adorerait que tout cela existe vraiment ! Un divertissement totalement craquant !

 

Site : Blue moon

 

Partager cet article
Repost0
9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 16:45

Pour Giorgio Pellegrini, son club restaurant La Nena symbolise sa parfaite réussite sociale. C’est le rendez-vous de tous ceux qui possèdent un poids économique et politique en Vénétie, dans le Nord-Est de l’Italie. Giorgio Pellegrini sait ce qu’il doit au député et avocat Sante Brianese. Il l’a protégé pour faire oublier son passé d’activiste d’ultra-gauche, et ses quelques errements criminels. CARLOTTO-2013Avec le député et avocat, Giorgio possède un réseau d’escort girls, dirigé par Nicoletta. Le meilleur moyen de corrompre l’essentiel des décideurs de la région. Certes, le parti de Brianese est de moins en moins majoritaire face aux padanos, mais il sait toujours tirer son épingle du jeu. La bonne solution pour ne jamais avoir de problèmes avec les prostituées, c’est de les remplacer souvent. Cholokhov, l’ami Russe de Giorgio, y pourvoit sans problème. Restant dans l’ombre, le Russe est un atout précieux pour Giorgio.

 

S’il se montre cynique avec ses employées putes, il ne l’est guère moins avec son épouse Martina. Elle n’est pour lui qu’un jouet, pas uniquement sexuel, dont il manipule à sa guise l’emploi du temps. Son besoin de domination s’exerce également sur Gemma, la meilleure amie de Martina. Non pas qu’elle lui soit utile comme objet de sexe supplémentaire, mais le fait de dominer et de pervertir les deux femmes apporte un équilibre à Giorgio. D’autant plus en cas de crise, c’est sur elles qu’il passe sa tension. Justement, il vient de s’apercevoir que l’avocat Brianese l’a grugé de deux millions. Le politicien prétend que tel est le risque des affaires, et promet en faire récupérer autant à Giorgio. Ce dernier se renseigne auprès d’un ami, client et imprimeur. Non, son ami député l’a bien arnaqué, dans les grandes largeurs. Pas question d’une rupture brutale avec Brianese, mais il va réagir avec violence.

 

Une mise au point entre Giorgio et le politicien devrait établir de nouvelles bases saines entre eux. Pourtant, le système ne fonctionne plus correctement. Nicoletta avoue à Giorgio qu’il est actuellement doublé par tous ses anciens amis, proches du député. Sans doute est-ce Ylenia, l’assistante de Brianese, qui gère l’opération contre Giorgio. Si le point faible c’est le réseau de prostitution, autant le fourguer aux Maltais. Heureusement, il peut toujours compter sur l’ami russe Cholokhov.

 

Le revers électoral subi par le député entraîne quelques soucis financiers pour le restaurant de Giorgio. C’est alors que l’avocat le fait placer sous la domination de la ’ndrangheta, la mafia calabraise. Un trio de comptables venus blanchir le fric mal acquis chez lui, ça ne peut qu’attirer les embrouilles. Giorgio entend rester propre, en apparence, tout en écartant ces malfaisants… “J’étais né pour baiser mon prochain, et ça me plaisait salement. Ça me donnait le sentiment d’être vivant. J’avais la nette sensation d’avoir absorbé l’énergie vitale de ceux que j’avais éliminé, mais peut-être était-ce seulement l’euphorie du vainqueur ou de celui qui est revenu chez lui sain et sauf, et qui n’y croit pas encore…”

 

 Traduit par Serge Quadruppani, ce roman affiche une noirceur redoutable. À la fois fascinant et répugnant, tels sont les qualificatifs qui viennent à l’esprit. Les jeux de pouvoir n’ont jamais été autre chose qu’un panier de crabes, on le sait. On a ici le sentiment d’approcher le summum du cynisme et du narcissisme, dans un “chassé-croisé de l’entubage”. Chacun préserve cette once de puissance, qui lui permet d’afficher son statut social supérieur (ou supposé tel). Au besoin, on n’hésite pas à tuer des gens, à en mouiller d’autres, tous les coups étant évidemment permis. À vrai dire, le pire est cette impression que Massimo Carlotto n’exagère pas tant, qu’il nous montre crûment cette facette bien réelle de l’Italie (et probablement de l’Europe). Un système définitivement pourri, alors ? C’est bien ce que l’on craint, en concluant la lecture de ce noir polar. Pessimiste, mais excellent.

 

Site : Action Suspens

Partager cet article
Repost0
9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 16:45

Pour Giorgio Pellegrini, son club restaurant La Nena symbolise sa parfaite réussite sociale. C’est le rendez-vous de tous ceux qui possèdent un poids économique et politique en Vénétie, dans le Nord-Est de l’Italie. Giorgio Pellegrini sait ce qu’il doit au député et avocat Sante Brianese. Il l’a protégé pour faire oublier son passé d’activiste d’ultra-gauche, et ses quelques errements criminels. CARLOTTO-2013Avec le député et avocat, Giorgio possède un réseau d’escort girls, dirigé par Nicoletta. Le meilleur moyen de corrompre l’essentiel des décideurs de la région. Certes, le parti de Brianese est de moins en moins majoritaire face aux padanos, mais il sait toujours tirer son épingle du jeu. La bonne solution pour ne jamais avoir de problèmes avec les prostituées, c’est de les remplacer souvent. Cholokhov, l’ami Russe de Giorgio, y pourvoit sans problème. Restant dans l’ombre, le Russe est un atout précieux pour Giorgio.

 

S’il se montre cynique avec ses employées putes, il ne l’est guère moins avec son épouse Martina. Elle n’est pour lui qu’un jouet, pas uniquement sexuel, dont il manipule à sa guise l’emploi du temps. Son besoin de domination s’exerce également sur Gemma, la meilleure amie de Martina. Non pas qu’elle lui soit utile comme objet de sexe supplémentaire, mais le fait de dominer et de pervertir les deux femmes apporte un équilibre à Giorgio. D’autant plus en cas de crise, c’est sur elles qu’il passe sa tension. Justement, il vient de s’apercevoir que l’avocat Brianese l’a grugé de deux millions. Le politicien prétend que tel est le risque des affaires, et promet en faire récupérer autant à Giorgio. Ce dernier se renseigne auprès d’un ami, client et imprimeur. Non, son ami député l’a bien arnaqué, dans les grandes largeurs. Pas question d’une rupture brutale avec Brianese, mais il va réagir avec violence.

 

Une mise au point entre Giorgio et le politicien devrait établir de nouvelles bases saines entre eux. Pourtant, le système ne fonctionne plus correctement. Nicoletta avoue à Giorgio qu’il est actuellement doublé par tous ses anciens amis, proches du député. Sans doute est-ce Ylenia, l’assistante de Brianese, qui gère l’opération contre Giorgio. Si le point faible c’est le réseau de prostitution, autant le fourguer aux Maltais. Heureusement, il peut toujours compter sur l’ami russe Cholokhov.

 

Le revers électoral subi par le député entraîne quelques soucis financiers pour le restaurant de Giorgio. C’est alors que l’avocat le fait placer sous la domination de la ’ndrangheta, la mafia calabraise. Un trio de comptables venus blanchir le fric mal acquis chez lui, ça ne peut qu’attirer les embrouilles. Giorgio entend rester propre, en apparence, tout en écartant ces malfaisants… “J’étais né pour baiser mon prochain, et ça me plaisait salement. Ça me donnait le sentiment d’être vivant. J’avais la nette sensation d’avoir absorbé l’énergie vitale de ceux que j’avais éliminé, mais peut-être était-ce seulement l’euphorie du vainqueur ou de celui qui est revenu chez lui sain et sauf, et qui n’y croit pas encore…”

 

 Traduit par Serge Quadruppani, ce roman affiche une noirceur redoutable. À la fois fascinant et répugnant, tels sont les qualificatifs qui viennent à l’esprit. Les jeux de pouvoir n’ont jamais été autre chose qu’un panier de crabes, on le sait. On a ici le sentiment d’approcher le summum du cynisme et du narcissisme, dans un “chassé-croisé de l’entubage”. Chacun préserve cette once de puissance, qui lui permet d’afficher son statut social supérieur (ou supposé tel). Au besoin, on n’hésite pas à tuer des gens, à en mouiller d’autres, tous les coups étant évidemment permis. À vrai dire, le pire est cette impression que Massimo Carlotto n’exagère pas tant, qu’il nous montre crûment cette facette bien réelle de l’Italie (et probablement de l’Europe). Un système définitivement pourri, alors ? C’est bien ce que l’on craint, en concluant la lecture de ce noir polar. Pessimiste, mais excellent.

 

Site : Action Suspens

Partager cet article
Repost0