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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 16:56

Depuis l’arrivée fracassante de Aller simple, c’est avec impatience qu’on attend, tous les ans, le nouveau Carlos Salem. Le dernier Un jambon calibre 45 c’est fait un peu attendre, mais il est là, tout chaud.

 

 Nicolas Sotanovsky est, suivant les avis, un latino craquant, un raté complet, un argentin mystérieux, un glandeur professionnel. Il faut dire qu’il est un peu tout ça à la fois et traine son blues dans une ville de Madrid écrasée par la chaleur d’août. Ce jour-là il se fait jeter par sa copine du moment et décide de profiter de la proposition d’un compagnon de beuverie : aller squatter chez une dénommée Noelia, très sympa et très cool, qui est en vacances et a laissé son appartement à la disposition de qui veut. Superbe occasion et possibilité pour lui, journaliste raté, de commencer enfin ce grand roman qu’il croit pouvoir écrire.

 

 

Manque de chance, il n’est pas installé depuis 24 heures qu’un malabar débarque, lui allonge une droite et lui dit qu’il a une semaine pour ramener Noelia et le fric. Noelia, il ne l’a jamais vue, et quel fric ? Il va être « aidé » par une brune gironde et peu farouche et un chat de gouttière philosophe, rencontrer des tueurs sans scrupule, un Marlowe par correspondance, un chauffeur de bus perdu et une vache secourable … entre autres.

 

 

Carlos Salem nous a déjà habitués à ses intrigues pour le moins flottantes, à ses personnages extravagants mais pourtant tellement crédibles, à ses déambulations à travers l’Espagne ou le Maroc. Il nous a déjà habitués à ses polars qui n’en sont pas, à ses fils narratifs en apparence décousus qui pourtant finissent par se tisser.

 

 

Il reprend tout cela ici, avec un nouveau personnage, toujours aussi paumé, toujours désespérément amoureux, sans trop savoir de qui. Malheureusement cette fois ça marche un tout petit peu moins bien à mon goût. Je ne saurais dire pourquoi, j’ai eu à la lecture de grands moments d’enthousiasme, et d’autre où mon intérêt faiblissait. Comme si l’histoire était un moins tenue (mais c’est très compliqué de tenir un lecteur en lui donnant l’impression qu’on fait « n’importe quoi »).

 

 

Je ne me suis pas ennuyé, mais j’ai moins aimé. Même si certaines scènes resteront gravées dans ma mémoire. Comme celle où Nico tente de poursuivre une conversation téléphonique intelligente alors que la brune Nina lui fait subir les derniers outrages, la relation géniale avec un chat de gouttière, ou encore un voyage en bus surréaliste. Sans oublier le tueur sentimental, ou le privé miteux.

 

 

C’est en lisant ce roman d’ailleurs qu’on prend conscience de la difficulté de maintenir une cohérence et une tension dans des histoires en apparence complètement déjantées avec des personnages qui ne devraient pas être crédibles, et qui le sont. Un vrai numéro de funambule. Et c’est compliqué de marcher sur un fil à longueur de roman, alors cette fois, peut-être l’artiste a-t-il un peu perdu l’équilibre. Il n’est pas tombé, mais il a vacillé.

 

 

A lire pour ceux qui, comme moi, aiment cet auteur et pour les très bons, et même excellents moments. A déconseiller toutefois à ceux qui découvriraient l’auteur, parce que l’ensemble est moins réussi que pour ses trois premiers romans.

 

Site : actu du noir

 

 

 

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 16:51

Après Ingrid Astier, voici Elsa Marpeau à la série noire. Autant la première construit (pour l’instant) une œuvre dans la continuité en reprenant certains personnages de son premier roman et en restant dans le style procédural, autant la seconde nous prend une fois de plus à contrepied. Après l’hôpital et les Black Blocs parisiens, elle nous amène à Singapour avec L’expatriée.

 

 Marpeau

 

Elsa, la narratrice s’emmerde ferme à Singapour. Venue accompagner son mari, écrasée par la chaleur et l’humidité autant que par l’inactivité, elle n’arrive pas à écrire et s’ennuie ferme en compagnie d’épouses d’expatriés français aussi bêtes que médisantes. Jusqu’à l’arrivée de Nessim, l’arabe blond, et le coup de foudre. Deux mois après son arrivée, Nessim est assassiné de plusieurs coups de couteaux et Elsa pourrait bien être la coupable toute désignée. L’aide de sa maid philippine la tire d’affaire, mais à quel prix ?

 

 

En ce qui me concerne, ce nouveau roman d’Elsa Marpeau est un véritable tour de force. Parce qu’à priori, les états d’âmes d’expatriés qui vivent en cercles fermés dans des résidences de luxe à Singapour, je m’en contrefous. Et encore plus quand ce sont ceux de bonnes femmes qui s’emmerdent et n’ont d’autre occupation que médire, glander autour d’une piscine, ou se donner bonne conscience avec des actions charitables à la con. Voilà c’est dit.

 

 

Alors pourquoi un tour de force ? Parce que contre toute attente Elsa Marpeau a réussit à m’intéresser à son histoire, à me passionner même, et à me bluffer méchamment. Et ça, vu le sujet c’était pas gagné.

 

Tout le mérite revient à sa construction virtuose et à une écriture superbement maîtrisée qui passe de la poésie au plus ton le plus prosaïque, du lyrisme aux détails les plus quotidiens. Une écriture qui fait ressentir la moiteur, la chaleur, l’ennui, la mesquinerie, le racisme quotidien. Sans jamais insister. Une écriture et une construction qui savent suggérer la folie sans jamais la révéler entièrement, qui montrent sans en avoir l’air …

 

 

Vraiment, je ne dirais pas que l’expérience fut agréable, mais j’ai été complètement soufflé par la maîtrise et la façon de m’accrocher et de me retourner comme une crêpe.

 

Site : actu du noir

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 16:45

Bulls Mouth est une petite ville du Texas, entre Houston et San Antonio, qui n’a jamais connu d’essor important. Une simple équipe de police locale assure ici la sécurité, sous la direction du capitaine Davis. Ian Hunt est âgé de quarante-cinq ans. Techniquement, il est officier de police, mais il se contente de répondre au téléphone pour les urgences, au 911. JAHN-2013Par exemple, quand il s’agit d’intervenir en cas de violences conjugales. Aider Genevieve Paulson et sa fille Thalia, contre le violent Andy Paulson, que Ian finira par secouer quelque peu. Marqué par la vie, le policier se sent vieux : “Lorsqu’on jette un coup d’œil par-dessus son épaule et qu’on se rend compte de tout ce qu’on traîne derrière soi, c’est facile de ressentir un certain accablement.” Trois épouses, trois divorces. La trop jeune Mitsuko. Lisa, la mère de son fils Jeffrey, avec lequel il n’a plus de contact. Debbie, la mère de la petite Maggie, disparue depuis sept ans.

 

Depuis quelques semaines, Maggie est officiellement considérée comme défunte. Elle aurait quatorze ans aujourd’hui, bientôt quinze en septembre. Pourtant, elle est toujours en vie, séquestrée par un vieux couple. Insoupçonnables, Henry et Beatrice Dean l’appellent Sarah. Ils ont eu autrefois une enfant qui portait ce prénom, décédée bébé. Alors, Henry Dean a voulu offrir d’autres Sarah à la pauvre Beatrice. Maggie Hunt est la cinquième Sarah, celle qui a été capable de survivre malgré les épreuves. Dans ce “Monde de Cauchemar”, Maggie s’était inventé un compagnon, Borden. Désormais, l’adolescente n’a plus aucune envie d’imaginer le monde extérieur, elle veut la liberté. Maggie parvient à tromper la vigilance de Beatrice et d’Henry. Elle s’enfuit, téléphone au 911, tombe sur son père Ian. Mais Henry ne tarde pas à la rattraper, lui faisant payer chèrement sa tentative d’évasion. Pour Ian, l’espoir renaît de retrouver sa fille vivante.

 

Avec le capitaine Davis et leur collègue Diego Peña, ils n’obtiennent qu’un vague témoignage du cordonnier qui a dû voir Maggie et son ravisseur. Donald Dean, le frère d’Henry, n’a pas de raison de désigner celui-ci. D’ailleurs qui suspecterait ce tranquille sexagénaire, employé au nettoyage de la fac ? Toujours captive, Maggie commence à mûrir un plan pour s’échapper définitivement. S’attaquer au maillon faible du couple, telle est la solution. “Elle ne veut pas tuer Beatrice, elle veut seulement la blesser suffisamment pour qu’elle ne puisse pas lui courir après quand elle s’enfuira. Si Beatrice devait mourir de mort naturelle, Maggie ne verserait pas la moindre larme, mais pas question de l’assassiner…” Malgré l’indifférence affichée de son fils Jeffrey, Ian Hunt ne veut pas renoncer. Quand Diego Peña fait une sinistre découverte dans le bois appartenant à Henry Dean, ce dernier réalise qu’il faut fuir. Avec Beatrice, et Maggie comme otage…

 

 Une enfant kidnappée réapparaît plusieurs années plus tard : déjà souvent traité, le thème semble d’une grande banalité. Ce serait fort mal comprendre la subtilité de Ryan David Jahn, auteur d’un des meilleurs polars publiés en 2012, “De bons voisins”. Dans ce récit, tout est au plus près de la réalité, et de la psychologie des personnages. La jeune Maggie arrive à un âge où se termine pour elle le temps de la soumission, en effet. Pour son père Ian, dont la vie a été un vaste ratage, une fragile lueur se rallume, qui l’aide à rebondir.

 

Quant à Henry Dean, le coupable, son état d’esprit est complexe : “Sans Beatrice, il ne serait rien. Il y a longtemps qu’il serait mort… Beatrice est la seule qui lui ait permis de croire qu’il avait peut-être quelque chose à donner à quelqu’un. Et ça malgré le fait qu’il n’a pas inventé la poudre, qu’il a un sale caractère… Béatrice lui a été loyale…” Aussi monstrueux soient-ils, ses actes s’inscrivent dans une normalité apparente. C’est ainsi que, au moment où il devient suspect, les policiers se présentent chez lui sans méfiance. Son frère Donald, lui aussi, est resté aveugle aux comportements d’Henry.

 

Tous ces citoyens américains de base nous sont décrits avec une justesse remarquable. Puis viendra le temps de la course-poursuite, entraînant les protagonistes aux confins de la frontière mexicaine, dans des scènes pleines d’action. Avec ce suspense impeccable, Ryan David Jahn confirme son talent tout en finesse.

Site : action suspens

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 15:58

Tout est « trop » dans IL, le nouveau polar des éditions Sonatine, annoncée à grand renfort de superlatifs comme la pépite de l’année. Trop, l’histoire éditoriale de ce gros pavé de 765 pages qui sort en France onze ans après sa publication aux Etats-Unis. Au départ un coup de tonnerre dans le milieu de l’édition d’outre-Atlantique : en avril 1991 Simon & Schuster and Pocket Books annoncent l’acquisition aux enchères du premier roman d’un certain Derek Van Arman (un pseudo qui n’en serait en réalité pas un …) pour la somme record de 920 000 $, droits à l’international non compris…

Il se dit à l’époque que l’auteur est un spécialiste des communications travaillant pour diverses agences de sécurité gouvernementales. Le gros coup tourne à la farce quand la prestigieuse maison renonce finalement à publier « Just Killing Time », au prétexte que les parrainages fournis par l’agent de Derek Van Arman lors de la négociation de l’avoir, en l’occurrence des appréciations très louangeuses de John Le Carré et Joseph Wambaugh, ont été purement et simplement inventées…

L’événement semble si absurde que certains, à commencer par l’intéressé lui-même, soupçonnent une intervention du FBI, l’agence fédérale n’ayant eu de cesse par la suite de harceler Derek Van Arman, allant jusqu’à obtenir son inculpation pour divulgation d’informations confidentielles.

Et on en vient au cœur de l’ouvrage, récit extrêmement documenté d’une traque à multiple volets mené par le directeur du Vicat (Violent Criminal Apprehension Program, transformé en Vicat dans le livre), une branche spéciale du FBI chargée, entre autres, des serial killer. Homme fatigué entre deux âges, littéralement dévoré par sa mission, Jack Scott, c’est son nom doit faire face à trois affaires simultanées: le meurtre très « professionnel » d’une jolie veuve et de ses deux filles dans une banlieue prospère de Washington, la découverte puis l’excavation d’ossements sous un ancien bowling dont la datation va réserver quelque surprises et dans le Sud les enlèvements, viols et assassinats de plusieurs jeunes filles. La figure d’un tueur récréatif (les T-Recs) hors norme Zak Dorani, hante les développements de l’enquête. C’est beaucoup. C’est trop.

IL, pour les raisons évoquées plus haut, installe son chapiteau d’horreurs sur un terrain labouré de longue date par quelques grosse machines du genre, dont bien sûr la série des Hannibal Lecter de Thomas Harris, et une profusion de films généralement assez médiocres, tombés sur les écrans comme la vérole sur le bas clergé. Si sa narration tient plutôt bien la route, l’effet de surprise est éventé et n’est hélas guère compensé par la subtilité de l’entreprise. Quid, par exemple, de cette vision des T-Recs proposé par Jack Scott, double littéraire de l’auteur, à une assemblée d’inspecteurs : « Ils sont nés sans émotion. De fait, nous les appelons les désaffectés, et si vous vouliez leur expliquer ce que sont les sensations, je vous conseillerais de vous entrainer en décrivant la couleur à un aveugle. » Sans invoquer Sainte Dolto, la psy et tout la tsouin-tsouin, c’est un peu court. Trop court pour un livre trop long. Les personnages aussi sont trop : l’inévitable duo du vieux sage (Scott) épaulé par un (relativement) jeune flic marginal (Frank Rivers), travaillé par le Vietnam (notre Grangé national a usé jusqu’à la corde cette vieille recette). Et le reste à l’avenant : tout est « effroyable », « diabolique », « glacé », « cauchemardesque ». Mortel quoi…En un mot, comme en cent (et pour le coup cela suffira): amateurs de gonflette, vous aimerez (beaucoup), adepte du dépouillement, passez votre chemin…

 

Site : Marianne

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 15:30

Au cours de sa carrière, Georges Pelecanos a beaucoup pratiqué — avec talent, il faut bien le reconnaître — les personnages récurrents et les romans se déclinant en série de trois ou quatre épisodes. Il s'était un peu écarté de ce schéma ces derniers temps (depuis Drama City, 2007) pour nous livrer des récits du type "one shot". Il revient aujourd'hui avec le premier volet d'une nouvelle série qui met en scène le personnage de Spero Lucas.

 

Spero Lucas est un ex-marine qui a connu les campagnes d'Irak et qui, de retour à la vie civile, s'est reconverti en enquêteur. Il vit en solitaire, mais garde une attache solide avec les membres de sa famille. On ne sait pas vraiment si Spero est blanc ou noir — il faudra d'ailleurs attendre quasiment les deux tiers du roman pour avoir une certitude — et au fond, Pelecanos nous fait bien comprendre que c'est sans importance. Il est en enfant adopté par un couple d'origine grecque qui reste très lié à sa mère adoptive depuis que son père est décédé, de même qu'à son frère Leo, lui aussi adopté. Ces deux-là sont ses repères, sa famille.

Sur son séjour en Irak, sur la guerre qu'il a mené, Spero, tout comme ses anciens camarades de combat, reste silencieux. Il est des souvenirs qui ne se partagent pas, ou seulement en silence avec ceux-là mêmes qui les ont vécus.

Pelecanos effleure à travers Spero les reconversions difficiles de ces combattants, comment ils sont pour certains en constant décalage, déphasé, incapables de reprendre pied dans la réalité américaine.

Spero a choisi une réinsertion en demie teinte : enquêteur pour un avocat pénaliste le jour, enquêteur à son propre compte pour une commission de 40% la nuit. Spero joue avec ses propres règles, son propre code, ni tout à fait dans la légalité, ni tout à fait en dehors. Un soldat sorti du rang…

 

Comme souvent chez Pelecanos, l'intrigue en elle-même tient en quelques lignes.

Après avoir sauvé du procès un adolescent voleur de voiture en décrédibilisant la déclaration du flic qui l'avait arrêté, Spero est contacté par le père de ce dernier, Anwan Hawkins, notoire dealer actuellement derrière les barreaux. Cet homme-là, qui a confié ses affaires à ces jeunes bras droits et se fait livrer sa "marchandise" par FedEx, s'est fait voler récemment quelques "colis". Moyennant ses incontournables 40%, Spero est chargé de retrouver les paquets disparus, ou au moins l'argent qu'ils représentent.

L'enquête amène vite les soupçons sur les adjoints d'Hawkins, Tavon Lynch et Edwin Davis, mais lorsque les deux sont retrouvés assassinés, Spero comprend qu'il a affaire à du plus solide. Et du plus méchant…

 

Washington est une nouvelle fois au cœur du récit. Les descriptions des pérégrinations de Spero Lucas sont incroyablement précises, au point qu'il est possible de suivre aisément ses itinéraires, voire de retrouver les endroits qu'il fréquente :

 

« (…) il décida d'aller se promener. Il aurait pu prendre à l'est jusqu'à Crestwood, le joli quartier autour de la 16e Rue, où vivait le maire et où le taux de criminalité était faible. Mais en quittant la maison, il se dirigea vers l'ouest, remonta Colorado Avenue vers la 13e, traversa à la nuit tombée le terrain envahi de mauvaises herbes de Fort Stevens Park, puis le parking sombre de l'église méthodiste Emory pour finir par descendre les marches menant à Georgia Avenue. »

 

Pelecanos crée avec Spero Lucas un personnage qui est à la frontière des univers qu'il a pris l'habitude de mettre en scène. C'est un pur produit de Washington, ni noir, ni blanc, ni immigré, et pourtant un peu de tout cela à la fois ; il navigue à la frontière de la légalité tout en respectant une sorte de code d'honneur qui lui est propre. Comme depuis plusieurs roman, le rapport père-fils est également une des clefs du récit, décliné ici sur deux versants : père présent même si pas biologique avec Spero ; père absent quand bien même biologique avec Larry Holley. Et puis il y a cette guerre si marquante et pourtant indicible, cette période de sa vie qui construit Spero tout en le détruisant et lui donne l'étoffe d'un personnage suffisamment ambigu pour être suivi de près.

 

Sans aller jusqu'à penser que Georges Pelecanos renoue (avec) les ficelles qui ont fait son succès, on peut penser que le personnage de Spero Lucas est à même de donner à son auteur quelques belles pages et que cette Balade dans la Nuit de Washington ne sera sans doute pas la dernière.

 

Site : polarnoir

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Spero Lucas, ancien marine reconverti dans l’investigation privée est contacté par Anwan Hawkins, trafiquant de marijuana qui, depuis sa prison, voit sa nouvelle filière d’approvisionnement court-circuitée et ses colis disparaître.

 

 Comme souvent chez Pelecanos, l’intrigue tient en quelques mots. Essentiellement parce qu’elle n’est que prétexte à raconter non pas une histoire, mais une ville, Washington, toujours, et un personnage. C’est ce qui à fait le charme très particulier de cet auteur mais aussi, plus récemment, sa faiblesse avec une grande tendance dans ses derniers romans à se montrer répétitif et à verser dans un sentimentalisme un peu artificiel et lassant.

 

 C’est donc avec une certaine appréhension que l’on abordait ce nouveau roman, en même temps qu’avec l’espoir de retrouver le Pelecanos qui nous avait emballé avec les enquêtes de Nick Stefanos, de Dereck Strange, de Terry Quinn ou la vie de Dimitri Karras.

 

Force est de constater que le pari est en partie tenu avec cette Balade dans la nuit qui nous fait retrouver avec plaisir les rues de Washington et découvrir un nouveau personnage, apparemment amené à revenir, à la fois attachant et complexe.

 

Hanté par la violence de la guerre, entouré d’amis vétérans portant les séquelles physiques et psychologiques des dernières guerres menées par l’Amérique, Spero Lucas se révèle bien moins lisse qu’il n’y paraît, guidé par des principes, certes, mais qui n’hésite pas non plus à s’arranger avec sa conscience lorsqu’il tend à aller à leur encontre. Un personnage qui fait aussi des choix qui ne sont pas forcément les bons et se trouve forcé de les assumer. Bref, un de ces héros dont Pelecanos a le secret et dont on se demande, roman après roman, si sa chute est inéluctable où s’il arrivera à s’agripper à quelque branche en cours de route.

 

Certes, l’indéfectible pessimiste lecteur de romans noirs pourra regretter encore une certaine tendance chez l’auteur à chercher à émouvoir le lecteur avec des ficelles un peu grosses et une propension à vouloir à tout prix protéger ses personnages là où, il y a quelques romans de cela, il nous surprenait en les malmenant sans vergogne ou, même, en les envoyant à la mort. Mais on oubliera pas qu’il inaugure là une nouvelle série et qu’il y a fort à parier que les choix que commence à faire Spero Lucas dans Une balade dans la nuit auront des répercussions dans les prochains volumes qui lui seront consacrés.

 

C’est donc avec plaisir que l’on retrouve un Pelecanos en forme, qui semble retrouver peu à peu sa créativité et surtout sa capacité à jouer sur la complexité des personnages plutôt que sur le sentimentalisme facile et un peu grossier. Le plaisir aussi de cette façon qu’a l’auteur, en quelques mots ou en quelques dialogues bien sentis, de nous faire découvrir sa ville et de donner de l’épaisseur à son roman. On espère plus maintenant que de le voir confirmer tout cela, en encore mieux, dans son prochain livre.

 

Site : Encore du noir

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 15:13

Après plusieurs années de silence littéraire, Vostok signe le retour de Jean-Hugues Oppel qui, il faut bien le dire, commençait un peu à nous manquer. Retour gagnant ?

 

Vostok, c’est l’histoire de Tanya Lawrence, chargée de mission pour une des multiples agences de l’ONU dépêchée quelque part sur la côte sud-ouest de l’Afrique, dans une région aride, battue par un soleil brûlant mais qui recèle d’abondantes ressources de terres rares, ces terres recelant des minerais et métaux devenus stratégiques car ils entrent dans la compositions de nos ordinateurs, téléphones, scanners ou, bien entendu, système de guidages de missiles et autres armements. Et la présence de Tanya semble quelque peu gêner la direction de Métal-IK, la société qui exploite ces mines africaines avec, on s’en doute, un sens très particulier de ce que doivent être les relations entre employeurs et employés et entre riches civilisés expatriés et sauvages locaux.

 

Voilà le genre de résumé qui semble annoncer un véritable festival d’enfonçage de portes ouvertes : les instances internationales impuissantes, les capitalistes sans foi ni loi qui exploitent jusqu’à la moelle un pays sous-développés, les habitants animistes qui ont su préserver une vraie sagesse ancestrale… de quoi s’agacer assez vite devant une avalanche de clichés. Mais Jean-Hugues Oppel est plus malin que ça. Certes, il nous parle de tout cela et d’autres choses encore mais laisse la priorité à la création d’une ambiance bien particulière. Le monde étouffant qu’il décrit, contrastant avec l’intérieur climatisé du complexe baptisé non sans ironie la Colonie, n’est pas sans rappeler quelque récit de science-fiction mettant en scène la colonisation d’une lointaine planète. Le climat est lourd d’une menace invisible peut-être bien pire – ou plus acceptable, allez savoir – que celle que fait peser Métal-IK sur la population locale. Tout cela, Oppel le manie avec dextérité et humour, tout comme les clichés qu’il utilise à foison, à commencer par le duo Tanya – Tony le guide dur au cœur pur, fils putatif d’Indiana Jones et de Rambo. De la même manière, on se plaît à retrouver l’Oppel cinéphile et ses références disséminés ici où là avec une discrétion de bon aloi.

 

On l’aura compris, voilà un roman qui se laisse lire avec plaisir, rondement mené, qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, véritablement divertissant. Alors, certes, ça n’est pas le grand roman d’Oppel plutôt une échappée mineure à l’intrigue convenue mais agréable dont on espère qu’elle a relancé le mécanisme d’écriture chez l’auteur et qu’on le retrouvera bientôt.

 

On peut se faire une autre idée en faisant un saut chez les copains : Julien Védrenne, pour K-Libre, et Jean-Marc ont apprécié, Yossarian un peu moins.

 

Site : entre 2 noirs

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Vostok est une sorte de huis clos à ciel ouvert. Un huis clos des grands espaces écrasés par le soleil et la chaleur étouffante. Jean-Hugues Oppel décrit la vie de cette communauté exilée perturbée par l'arrivée d'une enquêtrice extérieure. Le personnage de Tanya vient révéler les mécanismes qui sont en œuvre, les inimitiés, les jalousies, les intérêts divergents, les luttes de pouvoir, qui sont l'inévitable pendant de toute activité humaine. Tous ceux-là sont au milieu de nulle part, mais ils continuent à faire tourner la boutique, là-bas comme ailleurs. Et puis une jeune femme au milieu de tous ces mâles ambitieux n'est pas pour arranger les choses. Le décor et les personnages sont en place, et Oppel joue son rôle de metteur en scène. Assez bien d'ailleurs. Phrases courtes, style percutant qui bannirait presque l'usage de la virgule. On se laisse porter.

 

Oui, mais…

Pour aller où ?

Le problème avec Vostok, c'est que le voyage n'a pas vraiment de destination. Le sujet n'est pas cette communauté coupée du monde dans un milieu hostile — quand bien même est-elle décrite dans le détail ; le sujet n'est pas l'exploitation éhontée des richesses minières d'un pays ; le sujet n'est pas l'étude ethnographique d'une tribu survivant depuis des millénaires sous un climat des plus défavorables ; le sujet n'est pas l'histoire d'amour improbable qui se noue entre Tanya Lawrence et son garde du corps — celle-là, on aurait même pu s'en passer ; alors il est où le sujet ?

Et même, pourquoi Vostok. Que vient faire cette base antarctique glaciaire sous le soleil de Métal-IK ?

Il manque une pièce au puzzle, ou alors c'est moi qui n'ai rien compris.

 

Jean-Hugues Oppel gardait le silence depuis Réveillez le Président ! en 2007 (si l'on fait exception de ses livres pour enfants). La veine politique lui réussissait bien. Pas sûr qu'avec Vostok, et malgré son savoir-faire, il signe un retour gagnant.

 

 

P.S. de dernière minute : une source bien informée m'apprend que Vostok serait la réécriture d'un roman entamé il y a une petite vingtaine d'années et qui penchait plutôt du côté de la science-fiction. Peut-être une adaptation ratée alors… Ceci expliquerait cela…

 

Site : Polar noir

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 11:43

On sait le succès rencontré en France par le polar nordique en général. C'est devenu en quelques années un filon, un produit d'appel, quasiment une "tête de gondole". Pas un éditeur qui ne propose à son catalogue un auteur suédois, norvégien, danois, ou plus rarement finnois. On sait également que tous ceux-là n'ont pas forcément le talent d'un Mankell, d'un Larsson ou d'un Joensuu.

C'est dans ce cadre-là qu'au Seuil ils ont déniché dernièrement un Islandais, Viktor Arnar Ingólfsson, et traduit son roman Flateyjargáta paru initialement en 2003. Comme quoi, il reste encore de la matière…

 

Nous sommes en 1960, à l'ouest de l'Islande, au milieu de cet immense fjord qui sépare le nord du sud du pays. Autant dire au milieu de nulle part. À mi-chemin des côtes se trouve l'île de Flatey, habitée d'une cinquantaine d'âmes. Un gros rocher battu par les flots avec quelques Vikings dessus…

Par un matin brumeux, partis malgré tout pêcher le phoque sur un îlot isolé en dehors des routes maritimes, le père et le fils Guđvaldsson découvrent sur Ketilsey un cadavre en piteux état dont il ne reste quasiment que le squelette.

Sur Flatey, qui n'est desservie qu'une fois par semaine par le bateau postal, c'est l'événement. Le bourgmestre, le pasteur, l'instituteur, personne ne sait quoi faire de cet encombrant "cadeau". La préfecture est prévenue et envoie sur place un jeune adjoint à peine sorti de l'école, Kjartan, afin d'identifier la victime, de faire rapatrier le corps et de mener l'enquête.

Même si de nombreuses semaines, voire mois, sont passées avant que le corps ne soit découvert, on finit tout de même par l'identifier comme étant celui de feu Gaston Lund, un professeur danois spécialisé dans l'étude des récits moyenâgeux et qui se serait sans doute rendu dans la région pour consulter le Livre de Flatey, une sorte de compilation des sagas racontant les épopées des rois de Norvège, une relique.

Une relique qui renferme cependant un secret, sous la forme d'une énigme composée de quarante questions, et que personne n'a semble-t-il jamais réussi à résoudre.

Durant quelques jours, coincé sur cette île, Kjartan va tenter de résoudre les deux énigmes qui s'offrent à lui…

 

L'Énigme de Flatey est un roman étrange, atypique, qui vous embarque vers des ailleurs méconnus. Au premier abord, il y a les habitants de cette île perdue au bout du monde qui, au début des années soixante, mènent une vie rude, adaptée à l'environnement et au climat. Ils sont un peu pêcheurs, un peu éleveurs, un peu bricoleurs, et surtout vivent en vase clos. À travers le regard, l'enquête et les déambulations de Kjartan, l'auteur prend le temps de nous décrire ces descendants de Vikings que l'on apprend à mieux connaître grâce à une approche quasi ethnographique du récit.

Et puis, alors qu'elles ponctuent chaque fin de chapitre, les questions de l'énigme du Livre de Flatey donnent petit à petit un aperçu de ces fameuses sagas islandaises. Venues du fond des temps par voie orale, elles ont été transmises de génération en génération, avant d'être compilées et confiées aux soins des copistes du Moyen Âge pour raconter les aventures royales ou les épopées chevaleresques et souvent violentes de quelques héros du grand nord. Et le roman de prendre alors une tournure historique qui, en donnant quelques clefs, suscite l'envie d'ouvrir certaines portes.

 

Car au fond, il faut bien le dire, l'intérêt principal du roman ne réside pas dans l'enquête policière de Kjartan qui, si elle est bien menée à son terme, n'en demeure pas moins le simple fil sur lequel l'auteur enfile les perles qu'il a voulu mettre en valeur.

Dépaysant, atypique, L'Énigme de Flatey est un voyage étonnant qui sort des sentiers battus. Fussent-ils nordiques…

 

Site : Polar noir

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 11:33

 

Nous revoici à Bruxelles en compagnie de Lilas Klaus, inspecteur (et non pas inspectrice !) de police, et de Serge Zwanze, ex-flic toujours à la recherche de l’assassin de son épouse. Ce qui est vraiment sympathique avec cette série, c’est de voir que Dulle Griet montre que ses deux héros sont évolutifs. Leur précédente rencontre leur a fait du bien... Tous les deux avancent peu à peu et en chemin, ils résolvent des crimes !

 

L’auteur nous propose la même construction que dans le premier opus... et la même atmosphère, soit une étude de caractères plus qu’une enquête technique ou scientifique, et parallèlement, nous visitons Bruxelles avec tout autant d’intérêt que lors de son précédent roman, sans que cela ralentisse l’action. Cela ressemble plus à un décor riche et bien planté, une sorte d’écrin dans lequel se nouent et se dénouent la complexité des émotions des uns et des autres, le tout dans un style coloré plein de bonne humeur.

 

Par contre, l’intrigue policière est très différente et intéresse tout autant le lecteur, une sorte de chassé-croisé des sentiments que nos deux flics parviennent à démêler avec brio. Si l’on devine certains faits, tout n’est pas vraiment attendu, mais le principal atout de cette histoire, ce sont ses personnages forts et présents. Dulle Griet mélange harmonieusement l’enquête et et la vie privée de nos deux héros, jouant souvent astucieusement avec l’humour et l’émotion.

 

En fait, ce second volume est tout autant passionnant, si ce n’est plus que le premier volume de la série !

 

Site : Blue moon

 

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 18:29

La veine semble inépuisable. L’immense Donald Westlake est mort depuis maintenant plus de quatre ans et il nous fait encore le cadeau d’un Dortmunder inédit ici. Malheureusement Et vous trouvez ça drôle ? est l’avant dernier. Heureusement on pourra ensuite faire comme Yan, tous les relire en reprenant depuis le début.

 

Westlake

 

C’est inédit, John c’est fait coincer par un flic. Heureusement c’est un flic à la retraite. Malheureusement c’est un flic qui a une idée derrière la tête. Cette idée : obliger John et sa bande à voler un jeu d’échec historique, fait de pièces en or, un cadeau à l’origine destiné à un tsar et qui se trouve maintenant dans une chambre forte au sous-sol d’une des banques les mieux gardées de New York. John a beau lui expliquer qu’on ne rentre pas comme ça dans une chambre forte, et qu’on en sort encore plus difficilement, rien à faire, le flic le tient, il va falloir qu’il s’y mette.

 

 

Si vous voulez savoir pourquoi Westlake et John sont uniques, lisez ce roman, vous comprendrez. Je ne connais aucun auteur (sauf peut-être Terry Pratchett avec sa série du Disque Monde) qui soit arrivé à un tel degré de complicité avec ses lecteurs, et qui sache en jouer avec autant de maestria.

 

 

Westlake sait exactement ce que sait son lecteur, ce qu’il doit dire, ce qu’il peut sous-entendre ou suggérer. Il donne cette impression unique de reprendre, à chaque ouvrage, une conversation suivie avec un ami, de ceux à qui il n’est pas nécessaire de tout dire pour qu’il comprenne. Et cela donne un humour et une légèreté inégalables.

 

 

A noter dans ce volume quelques scènes d’anthologie. Le vol pour commencer, un des plus extraordinaire de la bande, qui en a pourtant quelques uns à son actif et qui prouve que John (et Donald), en plus d’être d’excellents organisateurs, sont des improvisateurs géniaux. J’ai éclaté de rire et j’en suis resté baba, bouche ouverte pendant quelques minutes.

 

 

Et puis, qui d’autre que Westlake pourrait oser enfiler des clichés aussi rabattus que le gus planqué dans le placard, et s’en sortir de façon aussi magistrale ? Qui ? Personne. Donald Westlake est grand, John Dortmunder est son prophète.

 

Site : actu du noir

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 18:26

ans Froid mortel, un jeune homme au passé trouble est embauché dans une étrange école, adossée à un asile.

 

 

De l'école maternelle à l'asile psychiatrique, il n'y a qu'un couloir à emprunter dans ce roman de Johan Theorin. Cet élément n'est pas le plus perturbant du décor planté par l'auteur pour égarer le lecteur dans les méandres de son entreprise romanesque. Figurent également un bunker, aménagé pour accueillir un Petit Poucet qui se serait égaré; un appartement, encombré de cartons que son occupant a relégués le long des murs pour y habiter tant bien que mal ; un sauna surchauffé, transformé en prison ­suffocante ; et une cellule, appelée «le trou», dans laquelle on enferme des adolescents perturbés.

 

L'annonce d'embauche pour un poste de puéricultrice à l'école ne précisait pas que les claustrophobes devaient s'abstenir. Et pourtant, Jan Hauger, le «puériculteur» qui a décroché l'emploi, l'est, mais il le cache, comme il tait d'autres secrets qui le rendent plutôt suspect au sein de cet aréopage de collègues féminines. On retrouve ici l'art de brouiller les pistes selon Theorin, qui, après trois romans noirs, boucle, avec méthode, un impeccable thriller psychologique.

Peur fantasmée ou justifiée?

 

Qui est Jan Hauger? La question ne cesse de hanter le lecteur au fil des chapitres dévoilant peu à peu l'histoire et la psychologie du jeune homme que les petits adorent. Lui-même répète en son for intérieur qu'il faut tout faire pour protéger les enfants. Mais on découvre bientôt, qu'en poste dans sa première crèche, il égara volontairement un garçonnet dans la forêt et le kidnappa quelques heures. Cela n'a, certes, rien à voir avec les méfaits du plus célèbre des serial-killers de Suède, enfermé à l'asile, mais ce fait grave, qui n'est pas arrivé aux oreilles de son actuel employeur, aurait dû lui faire louper le poste.

 

Pour l'heure, ses supérieurs lui confient de plus en plus de missions comme accompagner les enfants en visite chez leur parent, interné à l'hôpital. Jan s'en sort bien, et l'on découvre bientôt que certains collègues ont, eux-mêmes, des secrets bien cachés. On commençait à bien appréhender Jan, par le biais de plusieurs chapitres lus comme autant de flash-back sur une adolescence troublée, quand il faut s'intéresser aux personnages secondaires.

 

L'auteur, lui, se colle aux basques de Jan sans jamais le lâcher. C'est à travers son regard que l'on découvre Sainte-Barbe, cet étrange hôpital flanqué d'une petite école, à Valla, ville sans âme. C'est avec son empathie que l'on fait connaissance avec ses collègues et les petits Léo, Jose­fina, Mira qui réclament histoires et câlins. C'est à travers ses fantasmes que l'on imagine ce qui se passe derrière les hauts murs de «Sainte-Barge», comme l'ont baptisé les habitants, effrayés par le mal qui les entoure. «Tout est devenu si horrible aujourd'hui. Il y a tant de gens dangereux en circulation», explique une de ses collègues à Jan, qui répond: «Ou peut-être avons-nous davantage peur.» La peur, fantasmée ou justifiée, est au cœur de ce roman dérangeant, dont la fin, particulièrement trouble, est aussi une marque de fabrique de Theorin.

 

Site : Le Figaro

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