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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 16:44

Découvert en France avec Vision aveugle, qui manqua de peu le prix du Cafard 2010 (Egan devait bien finir par l’avoir), le canadien Peter Watts revient au Fleuve Noir avec son premier roman, Starfish (1999), qui exploite ses connaissances en matière de biologie marine. Des débuts en demi-teinte.

 

Vision aveugle ne laissait aucun doute quant au registre de Peter Watts, la hard SF pure, dense et sans concession. Si Starfish ménage davantage son lecteur, l’étendue des connaissances de l’auteur ne manquera pas, une nouvelle fois, de forcer l’admiration. Au menu : anatomie humaine complète, biologie des grands fonds, tectonique et biochimie des plaques, neuroprogrammation, pathologies comportementales, le tout, on l’avoue, à un niveau de précision difficile à évaluer par le novice. Les thèmes de Vision aveugle sont déjà en germe, suggérant peut-être une sorte de trademark de l’auteur : équipage d’humains augmentés et coupés du monde, parano des espaces confinés, immensités hostiles, situation incertaine sur terre, personnage observateur qui n’est pas censé intervenir (mais le fait quand même, par sa simple présence), etc., jusqu’à la qualification des individus adaptés au nouvel environnement de « vampires » (Watts aurait-il pour mission de nous convaincre, à chaque fois, qu’ils existent vraiment ?). Bref, on commence à se sentir agréablement chez soi dans la petite galaxie de l’auteur.

L’histoire se déroule dans un futur relativement proche, au cœur d’une petite station sous-marine de maintenance, située à proximité de la plaque Juan de Fuca (Nord-Ouest américain) ; à l’intersection des plaques continentale et océanique se situe un rift à forte activité, dont certaines compagnies exploitent l’énergie. À force de vivre dans les grands fonds, au sein d’une faune curieuse, les « rifteurs », choisis sur des critères psychologiques précis, développent des comportements inattendus et vraisemblablement induits par la composition étrange de l’eau autour des cheminées de la faille, qui agit sur leur système de respiration artificielle. Inutile d’en dire plus, le pitch est en lui-même une belle promesse de SF, au cahier des charges assez clair.

Problème : la première partie est assez longuette. Les enjeux ne sont finalement pas si clairs, et la psychologie devient vite lourdingue, plombée par des dialogues répétitifs. Le changement fréquent de personnage n’aide pas, et l’on se sent moins en présence d’un exercice de style maîtrisé, que d’une juxtaposition artificielle de points de vue. L’ensemble a l’air d’un patchwork de notes, d’histoires, et de pistes indépendantes les unes des autres. De fait, et l’éditeur le précise, deux chapitres sont la reproduction quasi-identique d’une nouvelle déjà parue en France (Bifrost n°54). Peut-être en va-t-il de même pour le reste ? Toujours est-il que le roman manque d’unité, et ne parvient pas à faire tenir toutes ses idées sur un même plan narratif, rendant parfois l’intrigue très floue.

Heureusement, ce thriller un peu décousu finit par ressembler à quelque chose, lorsqu’au dernier tiers du livre les différentes pistes commencent à converger : psychologie des profondeurs, résonances des mises en quarantaine (sous l’eau, en caisson, en camps), nouvelles formes de vie (aquatiques et gélifiées, pré- et post-humaines), menaces inédites… un pattern général se dessine, et l’intrigue s’emballe, enfin cohérente, laissant à Peter Watts tout le loisir de démontrer la virtuosité technique de son art consommé du dialogue. La fin se dévore d’une traite, dans une sorte de jubilation venant récompenser la patience du lecteur.

 

La conclusion de Starfish n’en est pas vraiment une ; elle met en place les prémisses de ce qui constitue une « trilogie des rifteurs » à venir (mais déjà parue outre-Atlantique). Bancal, inégal, ce premier roman n’en réserve pas moins d’excellents moments, dans lesquels les talents de conteur-ultra-calé-en-sciences de Watts font merveille. On a connu pire.

 

SITE : Cafard cosmique

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