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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 16:31

Découvrir un auteur, en ce qui me concerne, c'est un peu comme débarquer en territoire inconnu. Je suis d'abord un peu déboussolé, désappointé. Et puis, une fois mes marques prises, j'observe, j'explore, je m'imprègne et, au final, soit j'espère me retrouver en terrain connu, sur des rivages plus cléments, soit je profite pleinement du séjour et, quand vient la fin, je ne demande rien de mieux que de revenir sous les mêmes latitudes, avec l'espoir et la ferme intention d'être à nouveau surpris.

 

C'est sur cette dernière impression que j'ai terminé Le Festin d'Alice. Jusqu'à présent, je ne connaissais de Colin Thibert que le nom, pour l'avoir aperçu sur les étagères des librairies ou des médiathèques, sans jamais franchir la frontière qui me mènerait à son univers. Et pour tout dire, dans les premiers chapitres de cette histoire ô combien savoureuse, je me suis plusieurs fois demandé dans quoi j'avais bien pu m'embarquer.

 

Le Festin d'Alice commence en effet sur les chapeaux de roue avec une descente de police d'envergure. Il ne s'agit pas de débouler sur la scène d'un braquage ni d'appréhender de gros revendeurs de drogue. Non, l'interpellation s'effectue dans un appartement-ravioli, où une vieille Chinoise coordonne la cuisine de plats asiatiques dans des conditions ignorant les normes d'hygiène et de salubrité, le but étant de les revendre ensuite à des restaurants chinois. En amateur de science-fiction, je me suis félicité que l'odorama pour les livres n'ait tout compte fait pas encore été inventé - ici, l'évocation se suffit à elle-même. Mais tout de même, la scène surprend par son côté surréaliste ; par sa disproportion au regard des faits. Seulement, en ouvrant la fenêtre du quotidien, sur lequel le polar semble désormais avoir pignon sur rue, je me suis rendu compte que non, à bien y réfléchir, ce n'était pas si absurde - après tout, on voit bien des bambins en garde à vue pour moins que ça...

 

Cette fenêtre, Colin Thibert prend soin de la laisser ouverte tout au long de son récit, en jouant sur l'humour et le divertissement. Alors, on se familiarise avec cette magnifique Alice, cette somptueuse Alice, cette envoûtante Alice, fonctionnaire à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui, contre toute attente fait main basse sur le magot de la vieille Chinoise, ainsi que sur un carnet dont elle espère bien tirer profit. Pour cela, elle entraîne dans son sillage un ancien chercheur au CNRS devenu traducteur. Et bientôt, la mafia chinoise se met de la partie.

 

Chassés-croisés, quiproquos, coïncidences, l'histoire roule et se déroule, servie en cela par toute une galerie de personnages auxquels on peine à trouver des qualités, même si, d'une certaine façon, c'est aussi cet aspect qui les rend si drôles et sympathiques, contribuant à faire du Festin d'Alice un roman qui ne manque ni de piquant, ni de... croquant.

 

SITE : Bibliomanu


"J’ai vu un jour un reportage sur ces fameux « appartement-ravioli ». Considérant la médiocrité de l’enjeu, le déploiement de force policier et le sérieux absolu des fonctionnaires impliqués, ça m’a fait hurler de rire." (Colin Thibert, interview à lire sur Bibliosurf)


Tout commence donc, et en grandes pompes ("je suis surpris que vous n'ayez pas demandé un hélico en renfort ! Et pourquoi pas le GIGN, tant que vous y êtes !") par une descente de police dans un "appartement ravioli" - il s'agit donc d'une cuisine clandestine, où plutôt d'un immonde cloaque où l'on concocte des petits plats "à domicile", dans des marmites crasseuses et parmi les cafards. Appétissant, non ?

La scène est digne d'un film gore, et le cordon bleu de la maison, une vieille chinoise manifestement atteinte de coprolalie, n'est pas des plus accueillantes. Personne ne comprend son charabia, à part Jean-Luc, CNRS-ien au chomage et interprète-pigiste pour la police (faut bien remplir le frigo), et en premier lieu pour le stupide et falot commissaire Argouge, atteint lui de racisme ordinaire.
Un ange passe dans ce chaos : Alice Delain, fonctionnaire rattachée au service de la consommation et de la répression des fraudes, est d'une beauté à couper le souffle court des mâles en rut.

Quand l'envoûtante Alice met la main sur le magot - et un mystérieux carnet de commandes - cachés dans l'appartement, elle ne se doute pas encore qu'elle vient de déclencher une réaction en chaîne. Avec Jean-Luc, dont elle a fait son jouet-complice-amant, ils vont mettre à jour un trafic pour le moins singulier pour finalement se coltiner la mafia chinoise qui va tout sabrer sur son passage (notamment par l'intermédiaire des dénommés Kee & Kong...).


Au festin d'Alice, tout le monde déguste ! On trouve des affreux vraiment méchants, tueurs sanguinaires, à sang froid, cannibales, dépeceurs spécialisés ! Quant aux gentils de l'histoire, y a vraiment pas de quoi pavoiser : gentils crétins, racistes ordinaires, ados glandeurs, maîtres-chanteurs du dimanche, sympathiques perdants et dindons de la farce noire que nous a concocté Colin Thibert avec une bonne dose d'humour (pince-sans-rire) et un sens aiguisé de la satire sociale. Dans ce fait-tout de bêtise et de méchanceté, on croise aussi de vrais victimes, comme ces esclaves invisibles qui remboursent à leur passeur le long voyage qu'ils ont  effectué depuis leur pays pour trouver une vie meilleure...

C'est la première fois que je goûtais au suisse Colin Thibert. Parfaitement digeste (malgré les apparences), léger, savoureux. Un mélange de cocasse et de noirceur. Idéal quand on aime le sucré-salé.

SITE : Moisson noire

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