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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 09:36

Le narrateur est un agent spécial israélien. Son métier est simple : empêcher les attentats terroristes des Palestiniens. Pour cela, tout est bon : la torture, les pressions et les fausses identités. Sa nouvelle mission est compliquée : gagner la confiance d'une écrivain israélienne et pouvoir ainsi s'approcher d'un poète palestinien. À travers lui c'est son fils, terroriste international, qui doit être retrouvé.


À l'instar de la situation israélienne, le personnage décrit par Yishaï Sarid est dans un état de crise important. L'alternance entre la vie professionnelle et la vie personnelle, le stress que provoque le métier bien particulier du narrateur, ses doutes naissants sur son travail se lient aux doutes sur sa vie de couple. Et lorsque cela se déglingue à un endroit, des fêlures se répercutent immédiatement sur l'ensemble des situations. L'auteur parvient à travers un personnage à décrire toute l'ambiguïté de la situation et du bourbier israélien. Malgré les tensions qui existent et qui devraient/pourraient paralyser les gens ou les placer dans des situations de choix, l'auteur présente également des personnages qui lâchent la rampe, qui ne s'occupent que de leur petit destin individuel.


Le narrateur, de par sa profession, navigue dans les couches de la société israélienne et l'ensemble des données géographiques. Même s'il semble d'ici, que le pays est minuscule, Yishaï Sarid en quelques lignes dresse un portrait de zones riches, commerciales, occidentales, symbolisées par la vie intellectuelle florissante et le dépérissement de maisons squattées par de jeunes Juifs drogués.


À un moment-clé du livre, le narrateur qui jamais ne verbalise une quelconque opposition à la politique poursuivie et les moyens employés, se trouve confronté à un juge qui par souci démocratique veut en savoir plus sur sa façon de procéder. L'on se trouve alors face à un long développement fort et prenant sur la nécessité de se salir les mains et l'obligation pour la société d'en savoir le moins possible sur ceux qui se salissent pour elle.


Le récit alterne avec bonheur des moments liés au quotidien des personnages, que ce soit dans des situations heureuses ou tristes, voire dramatiques. À cet égard, la femme du narrateur à travers quelques scènes courtes acquiert une présence forte. Pourtant jamais le roman ne prend partie. Yashid Sarid réussit à la fois à décrire la situation d'un point de vue très particulier mais en parvenant à garder à distance les affects. Sans approfondir, il décrit en de courtes scènes, la montée d'un sentiment amoureux, d'amitié, la perte de confiance dans un couple, l'affection d'un fils pour son père, la lutte d'une mère pour sauver son fils.


En évitant les scènes choc d'explosion par exemple, en replaçant toujours l'humain au cœur de son dispositif, l'auteur nous oblige à lire en dépassant nos a priori pour découvrir un monde complexe, dense et rendu avec justesse où jouer l'amoureux pour obtenir des informations n'empêche pas de tomber amoureux, où créer une amitié artificielle peut déboucher sur une vraie amitié.... où le véritable ennemi c'est peut-être vous-même.

 

SITE : K-libre

 


 

Agent confirmé des services secrets israéliens, son rôle consiste à empêcher les attentats suicide. Il passe une grande partie de son temps à interroger proches et amis des gens soupçonnés de terrorisme. La méthode psychologique ne donne pas forcément de bons résultats, aussi doit-on souvent rudoyer les témoins, les maltraiter au besoin. Marié à Siggie, père d’un enfant de quatre ans, l’Agent ne passe guère de temps auprès de sa famille. De plus en plus écœurée par cette situation, son épouse a accepté un poste à Boston où elle va s’installer bientôt, avec leur fils. Quand un incident mortel se produit lors d’un interrogatoire, son supérieur Haïm ne peut disculper totalement l’Agent. Prendre un peu de repos, quelques heures en famille au bord de la Mer Morte, ne suffit pas. D’autant qu’il a une autre mission en cours, dont les résultats apparaissent fort aléatoires.

Près d’un quart de siècle plus tôt, Dafna fut une romancière prometteuse. Mariée à un cinéaste inspiré, elle connut un beau succès avant de tomber dans un quasi anonymat. Se faisant passer pour un écrivain amateur ayant besoin de conseils, l’Agent prend des cours auprès de Dafna. Celle-ci a besoin d’aide pour son ami de toujours, le poète palestinien Hani. Atteint d’un cancer en phase terminale, pour qu’il vive paisiblement ses derniers jours, elle voudrait qu’il soit soigné en Israël. C’est par ce biais que l’Agent espère mettre la main sur le fils de Hani, chef présumé d’un réseau terroriste. Censé être un riche Israélien disposant de relations haut placées, l’Agent ne peut pourtant pas brusquer les choses. Dafna a un autre gros problème à régler. Consommateur de drogue endetté, son propre fils Yotam se cache et végète dans une cabane sur la plage de Césarée.

Selon l’arrogant jeune junkie, c’est le puissant Nokhi Azria qui est cause de ses problèmes. Yotam aurait passé pour lui de la drogue des Etats-Unis vers Israël, avant de détruire la dernière livraison. D’où cette dette, que Yotam est incapable de rembourser. Bien qu’Azria soit très protégé, l’Agent parvient à converser avec lui. Sans doute le financier n’est-il pas un saint, mais la version du jeune homme est loin de la vérité. Même si Yotam rentre à Tel-Aviv, il ne restera pas moins accro à la drogue. Très affaibli, le poète Hani s’est installé chez Dafna après un séjour à l’hôpital. Comme l’indiquaient de vieux rapports sur lui, c’est un modéré n’ayant jamais menacé le pays. L’Agent sympathise vite avec le Palestinien Hani, tout en sentant que Dafna n’est pas complètement dupe de leur relation. Même s’il mène a bien cette dernière mission, l’avenir de l’Agent reste incertain…


Ce sujet sensible et toujours actuel est traité de façon remarquable et nuancée par l’auteur. Il ne s’agit pas de l’histoire idéalisée d’un faucon devenant colombe, ce qui aurait peu de sens. Cet Agent fut recruté alors qu’il était étudiant, pour sa culture et son sens psychologique, pour préserver la paix. Le patriotisme est logiquement une notion très forte chez les Israéliens. On nous confirme ici “l’efficacité” des services secrets de cet État. Il serait vain de nier les attentats meurtriers perpétrés par des extrémistes. Toutefois, au nom de la sécurité d’Israël, tortures et mauvais traitements sont-ils acceptables ? Enfermer à Gaza toute une population palestinienne “coupable”, est-ce tolérable ? La politique israélienne considérant tous les Arabes comme de monstrueux ennemis est-elle justifiée ? Telles sont les questions sous-jacentes que pose Yishaï Sarid. Une normalisation pacifique entre Israël et ses voisins semble éternellement possible autant qu’improbable. Bien maîtrisée, l’intrigue à suspense évite le manichéisme facile, le propos démonstratif. À travers les personnages, c’est la réalité humaine de chacun, leurs parcours individuels, qui importe. Même s’il ne peut afficher une vraie franchise, l’Agent devrait finir par le comprendre. Les lecteurs aussi, bien évidemment. Un roman d’une très belle justesse, carrément passionnant.

 

SITE : Claude Le Nocher

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