Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 septembre 2010 1 06 /09 /septembre /2010 14:47

Une parution début août ! Drôle d'idée ? Non, excellente idée, s'agissant d'un roman de Richard Price, dont l'éditeur français a pris la bonnne habitude de décaler les sorties en cette période où l'horizon des librairies est plus dégagé. Le brillant chroniqueur des ghettos new yorkais mérite qu'on l'isole des flots de nouveautés du printemps et de la rentrée, tant il occupe une place à part dans le roman noir.


Richard Price n'a publié que huit romans. "Frères de sang", que nous font découvrir aujourd'hui les Presses de la Cité, est chronologiquement le deuxième, sorti en 1976. Il confirme le talent singulier révélé dans "Les Seigneurs" (1974). Le jeune homme grandi dans les cités HLM du Bronx - alors âgé de 27 ans - y restitue la brutalité familiale et sociale dont il a été témoin. Il crée ici une tension dramatique autour du choix cornélien qui tenaille Stony De Coco, 18 ans. Ce petit-fils, fils et neveu d'ouvriers du bâtiment d'origine italienne doit-il rejoindre ses aînés sur les chantiers, ou accepter l'emploi qu'on lui propose dans le service pédiatrie d'un hôpital ? Se plier aux pressions familiales et accepter le confort d'une voie toute tracée, ou bien prendre le large en cherchant à s'accomplir, à s'enrichir ?

Bousculé dans ses rêves, Stony évoque d'autres héros de Richard Price, entrevus dans "Les Seigneurs" ou "Le Samaritain". Il rappelle aussi le personnage de Michael Lee dans la série "The Wire" ("Sur écoute", dont il est l'un des scénaristes), fils de junkie tiraillé entre la protection de son petit frère et l'attrait de la rue. Toute l'oeuvre du romancier new yorkais entrecroise ces thèmes du passage à l'âge adulte, du poids de la misère sociale et culturelle, de la lutte entre le besoin d'accomplissement et le déterminisme social. Tout en conservant cette hauteur de vue qui séduira plus tard de grands réalisateurs (Spike Lee pour "Clockers", Martin Scorsese pour "La couleurde l'argent"), il tisse autour de Stony un mur de violence familiale, à la fois verbale, affective et physique. Les mots sont crus, obscènes, cruels, dans cette pseudo aristocratie ouvrière régie par des codes quasi mafieux. De nombreuses scènes du livre tirent d'ailleurs leur force des seuls dialogues, l'une des marques de fabrique de Richard Price.

 

Deux autres romans suivront "Frères de sang", après quoi l'auteur signera une demi-douzaine de scénarios de longs métrages. Sentiment d'avoir tout dit, argent facile, l'éclipse du romancier durera jusqu'aux années 2000. Régénéré dans sa vie personnelle, apaisé, à nouveau inspiré, Richard Price a repris son exploration sociale avec "Le Samaritain", puis "Souvenez-vous de moi" (sortie en poche le 16 septembre, collection 10x18, 608 pages, 8,60€), tout en s'offrant du temps pour écrire avec l'argent du cinéma (pour Ridley Scott, il est intervenu sur "American Gangster" et travaille au scénario d' "Enfant 44"). A 61 ans, il semble avoir trouvé un équilibre qui nous promet d'autres grands romans.

 

"Frères de sang", de Richard Price, Presses de la Cité, 396 pages, 21€, sortie en librairie le 12 août. L'auteur sera présent au Festival America, à Vincennes (94) les 25 et 26 septembre.

Photo : Arnaud Février, Presses de la Cité

PS. Le prochain roman de Richard Price sera le premier volet d'une série policière centrée sur un héros récurrent, un ancien inspecteur du NYPD rétrogradé comme sergent dans une patrouille de nuit après avoir été mis en cause dans une fusillade. L'auteur signera sous le pseudonyme de Jay Morris. Sortie aux Etats-Unis prévue au printemps.

 

Site : Blog le Parisien

 


 

Stony De Coco vit dans le Bronx, avec sa famille d’origine italienne, au milieu des années 1970. Son père travaille dans le bâtiment et souhaiterait le voir suivre ses pas. Ce qui n’enthousiasme guère le jeune homme. En outre, le climat de violence qui règne chez lui, où sa mère névrosée s’en prend à son petit frère Albert, anorexique, ne lui laisse pas la possibilité de réfléchir à son avenir. Un jour, pourtant, le hasard le conduit à travailler dans un hôpital pour y surveiller des enfants malades. Mais peut-on échapper à son environnement familial et social, à un destin tout tracé ?

Ce roman noir du grand Richard Price, publié aux États-Unis en 1976, n’avait jamais été traduit. Pourtant, tout son talent y est déjà présent : dialogues étincelants, personnages ambivalents, style réaliste et tranchant. Cette chronique urbaine aux allures de tragédie de l’ordinaire porte en germe tout l’univers qu’on retrouvera dans Ville noire, ville blanche, Souvenez-vous de moi ou Clockers, sombre fresque sociale sur de petits trafiquants de drogue, que les Presses de la Cité rééditent aujourd’hui.

Richard Price est né en 1949 dans le Bronx, où il a passé toute son enfance. C’est à l’âge de vingt-quatre ans qu’il publie son premier roman, Les Seigneurs, acclamé dès sa sortie par la critique littéraire. Aujourd’hui auteur de sept romans, Richard Price s’est imposé comme l’un des plus grands romanciers de l’Amérique urbaine. Il est également scénariste, notamment pour Scorsese et pour la série Sur écoute (The Wire).

 

Site : 4decouv

 



Partager cet article
Repost0

commentaires